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L'Espagne et le Mundial de 2010: panem, circenses et caetera.

Mardi 13 juillet 2010 : amusant de penser qu’aujourd’hui, un mardi 13, est un jour néfaste pour les Espagnols. Là où nous disons  vendredi 13, on dit ici ‘Martes y trece’, Mardi treize, nom adopté par un célébrissime et hilarant duo comique espagnol de la télé des années de la ‘Movida’.

 

Les Espagnols sont champions du monde de football cette année, ou, pour être précis, l’équipe espagnole. Tous les Espagnols considèrent ça comme une victoire personnelle, sauf les Catalans, et peut-être les Basques, qui auraient préféré voir gagner les Néerlandais... Hier, à Madrid, on fêtait donc le triomphe de La Roja, la Rouge, l’équipe espagnole, qui défilait sur d’énormes bus à impériale, passant par le Paseo del Prado, la place Cibeles, le Palacio Real – ils ont été reçus par le roi et la reine, le roi Juan Carlos n’a pas été avare en accolades – pour terminer à la Plaza del Rey où se trouvait une scène.

 

Un triomphe à la romaine, ceux de César retour de bataille. Des vedettes, dont David Bisbal, chanteur à bouclettes, vainqueur de l’émission Operación Triunfo (la Star Ac’ espagnole), sont venues chanter le triomphe de l’équipe espagnole à Johannesburg. David Bisbal entonnait énergiquement un des hymnes de ce Mundial, comme Shakira, la Colombienne, et son Waka-Waka déhanché.

 

Une crise phénoménale (25% de chômeurs), mais une fête continue entre la Saint-Jean (ici, une longue beuverie), le foot et Rafael Nadal. L’orgueil du peuple espagnol se réfugie dans ces consolations-là, où il est imbattable. ‘Panem et Circenses’.

 

Parallèlement, l’Estatut, le contrat-cadre entre l’Espagne et la région autonome de Catalogne, a été renégocié avec des conditions financières nettement plus favorables pour cette dernière, mais avec des corrections, notamment le terme de ‘Nation catalane’, exigé par la Generalitat de Catalunya et refusé par Madrid et le Tribunal Constitucional. C’est que le terme de ‘nation’ figure dans la Constitution espagnole, et se réfère à l’ensemble du territoire, Catalogne comprise. De même, pour l’ensemble du territoire, la langue nationale (et véhiculaire) est l’espagnol, c’est-à-dire le ‘castellano’, la langue de la région centrale et de Madrid.

 

Certains partis politiques catalans en manque de programme électoral concret, notamment sur les solutions à trouver à la terrible crise économique, qui touche aussi la riche Catalogne, se sont rués là-dessus, organisant une grande manifestation avec force drapeaux indépendantistes – la senyera, le drapeau catalan, avec ses raies rouges et oranges surmontées de l’étoile républicaine – et de grandes mains articulées avec, inscrit en gros caractères, adéu, Espanya, « adieu, l’Espagne ».

 

Un analyste faisait tout de même remarquer qu’il ne fallait pas confondre manifestation et réalité (en 2010, on parle de 20% de la population catalane qui serait en faveur de l’autonomie), les plus indépendantistes n’étaient pas ceux qu’on croyait, c’étaient surtout les très jeunes, qui n’avaient ni vécu sous Franco ni souffert de l’écrasement culturel imposé par le gouvernement de Madrid.

 

Cette génération avait au contraire bénéficié d’un enseignement public gratuit en langue catalane, par des professeurs catalans triés sur le volet par le ministère catalan de l’Éducation. Ces professeurs, par la force des choses, leur avaient transmis, en passant, leur profonde conviction que la Catalogne était un pays différent, une nation à part, supérieure, même, qui n’avait rien à voir avec l’Espagne, brutale et arriérée, malgré une énorme immigration ouvrière andalouse, qui avait contribué à la prospérité de la Catalogne en faisant tourner à plein l’industrie, et malgré les nombreux scandales de corruption qui ressemblaient pourtant beaucoup à ceux de l’Espagne tant haïe.

 

©Sergio Belluz, 2017, le journal vagabond (2010)

 

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13/11/2015
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