sergiobelluz

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* de ci de là, cahin caha *


À table!

Il y a une grande tablée près de moi, avec une petite fille absolument obsédée par son téléphone – et je me disais qu’aujourd’hui, tout petit déjà, ils vivent dans l’imaginaire qu’on leur fournit plutôt que dans celui qu’ils se créent eux-mêmes, et que c’est triste.

 

Mais les parents sont contents : les enfants sont occupés à regarder des tas de dessins animés et les laissent tranquilles.

 

En plus, la gamine mange en regardant son téléphone, et sa grand-mère doit la forcer à manger.

 

Je ne comprends pas les parents : il faudrait imposer des moments de trêve, de pause, quand on mange, on mange... mais je suppose que les parents, eux aussi, parce qu’ils n’ont pas forcément grand chose à se dire, mangent en regardant la télévision...

 

Ce non-respect de ce qu’on mange est d’ailleurs quelque chose que je trouve terrible : cette nourriture sous plastique, empilée en vrac dans les frigos, les paquets à moitié ouverts, les sauces entamées qui moisissent, les tonnes de produits qui, à chaque fois, finiront à la poubelle – c’est un aspect de notre société de consommation : la nourriture coûte moins cher grâce et à cause de la production et de la consommation de masse, et on traduit : ça ne vaut rien, et on oublie qu’il a fallu une vie et une mort pour qu’on puisse avoir ça sur sa table...

 

©Sergio Belluz, 2017, le journal vagabond (2016).

 

 

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19/07/2016
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Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait.

Aujourd’hui vieillesse ne sait souvent plus rien, ou pas grand-chose, et veut faire jeune, tout en pouvant davantage, économiquement, que jeunesse qui sait d'autres choses, mais qui ne peut pas grand chose, faute de moyens et qui doit faire avec une société léguée par les générations précédentes, dans un système social en pleine déconstruction.

 

Que ce soit en Turquie, en Iran, dans les pays du printemps arabe, en Inde ou en Europe de l'Est, de l'Ouest et du Sud, il y a toute une génération de jeunes qui se rebellent et qui voudraient avoir leur mot à dire sur l'avenir qu'on ne leur prépare pas.

 

Les moyens de communications, de publication, d’expression en pleine mutation rendent difficiles la reconnaissance de ces nouveaux talents en train d'émerger : de très bons auteurs vont forcément surgir de cette nouvelle génération, qui ressemble beaucoup à celle des années 50, confrontée à une société et des valeurs qui ne correspondent plus à la réalité vécue, à sa réalité.

 

©Sergio Belluz, 2017, le journal vagabond (2012).

 

 

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29/03/2016
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L’Allemagne et la Grèce, ou ‘Pasqualino Settebellezze’

S’il y a quelque chose à retenir de « la crise grecque », c’est qu’elle illustre parfaitement la montée des nationalismes, les disparités sociologiques, les abimes philosophiques et les constantes historiques et humaines de pays censés être égaux au sein de l’Union européenne. Au final, rien de nouveau sous le soleil.

 

D’abord, inutile de se faire des illusions : de très rares pays européens – la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, l'Espagne aussi, à cause du catholicisme omniprésent et en dépit des nationalismes catalans ou basques – sont de vraies nations, ont une vraie unité culturelle, due souvent à une histoire et à une religion relativement unitaire, à des batailles nationales menées ensemble, à des frontières naturelles, aussi, et à une unité linguistique acquise en gommant violemment les différences par l’imposition d’une langue unique et l’écrasement des langues minoritaires...

 

Le reste, dont la Suisse fait partie, est constitué de pays bâtards, de constructions bricolées qui se maintiennent grâce à des interprétations historiques et idéologiques et à des intérêts économiques ou géostratégiques. C'est au XIXe  siècle, entre 1815 (date de la chute de Napoléon et du Traité de Vienne qui redistribuait les territoires annexés par Napoléon) et 1848 (date de la Deuxième République française et de la première constitution fédérale suisse) que se sont créés artificiellement la majorité des états européens actuels (Suède, Suisse, Belgique, Roumanie, Grèce...), le reste, y compris certains états disparus ou en voie de disparition aujourd’hui, datant de la chute de l’Empire ottoman, de celle de l’Empire austro-hongrois ou de celle de l’Empire soviétique.

 

Dans le cas de la Grèce, c’est encore plus compliqué : à part l’orthodoxie et le cyrillique, la langue écrite, qui en fait un intermédiaire tout trouvé entre l’Europe de l’Ouest et celle de l’Est – dont certains pays, la Roumanie, la Bulgarie, ont été longtemps dirigés par des Grecs mandatés par les Ottomans –, c’est surtout l'ennemi ottoman puis turc qui est devenu peu à peu un facteur identitaire et un facteur d'unité nationale, bien artificiel, d’ailleurs, le café grec, entre autres, étant d’origine turque...

 

C’est un des nombreux non-dits de cette crise grecque : la vraie frontière Orient-Occident n'est pas la Turquie, mais bien la Grèce, qui, tout comme la Russie, se réclame aussi de son rôle (imaginaire ?) de dernier rempart pour la défense de la Chrétienté....

 

À cela s’ajoutent les usages millénaires de la Méditerranée, les familles omnipotentes, les népotismes, les magouilles claniques, le côté tonitruant, colérique voire caractériel, le côté ‘après moi le déluge’, le côté (justifié historiquement) ‘je me méfie de l’État’, le côté ‘je ne m'occupe de ce qui m'est profitable et ne pense jamais au bien commun’, le côté bon vivant aussi...

 

Un film extraordinaire de la réalisatrice italienne Lina Wertmüller, Pasqualino Settebellezze (1975), synthétise magnifiquement cette différence profondément humaine : un Napolitain (le fabuleux Giancarlo Giannini) est fait prisonnier par les allemands. On l’envoie en camp de concentration en Allemagne. Il parvient, en utilisant ses dernières forces, à séduire l'énorme et cuirassée garde-chiourme allemande, et à rester en vie jusqu’à la fin de la guerre. L'Allemande, séduite mais pas dupe, lui dit quelque chose comme : « Vous, les Méditerranéens, vous arriverez toujours à nous survivre, parce que vous êtes des concrets, ce qui compte pour vous c'est d'abord de vivre, tandis que nous, nous sommes des idéalistes, nous cherchons toujours la vie parfaite et nous en mourons »...

 

©Sergio Belluz, 2017,  le journal vagabond (2015).

 

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26/07/2015
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