* la téloche *
Discorama et Denise Glaser
Un coffret DVD est sorti dans le commerce avec une compilation des meilleurs moments de ‘Discorama’, cette émission de l’ORTF qui interviewait très sérieusement les chanteurs à la mode dans les années 60 avec rien : un fond blanc et deux chaises
L’émission côtoyait, si ma mémoire est bonne, ‘Le Petit Conservatoire de Mireille’, où d’autres vedettes, présentes ou futures, venaient gentiment se faire sermonner par l’institutrice aux merveilleuses chansons - 'Vous qui passez sans me voir', 'Couchés dans le foin', 'Ce petit chemin qui sent la noisette' (qu’adorait Brassens) – celle dont Sacha Guitry avait dit : « Elle n’est pas desservie par une grande voix » et que le célèbre revuiste Rip avait surnommé « le petit saxe aphone ». On y voyait, la soixantaine bouclotée, la voix toujours aussi acidulée, une menue et pimpante Mireille derrière son grand piano : « Qu’est-ce que ça veut dire, ça, ‘yé-yé’, Mademoiselle ? », y demandait-elle à une toute jeune et toute timide Françoise Hardy venue avec sa guitare.
Par contraste, ce qui distingue ‘Discorama’, c’est la Glaser, et la Glaser, c'était quelque chose: avec sa préciosité bien à elle, et son profil sous divers angles, son nez refait et sa diction artificielle, elle arrivait à exprimer un je ne sais quoi de métaphysique dans des interviews qui n'étaient, somme toute, que l'équivalent 60's des opérations de promos qui sévissent aujourd'hui.
Et peut-être à cause de ces maniérismes - artificiels donc intemporels, pourrait-on dire – ça n’a pas mal vieilli du tout, on les regarde avec plaisir, ces interviews où l’on retrouve tout autant le jeune Gainsbourg ou le jeune Polnareff (les deux poseurs, intimidés et rebelles à la fois), que Salvador Dalí venu faire son habituel numéro.
Denise Glaser avait forcément fait l’objet de multiples imitations, dont celle hilarante du transformiste Claude Vega, qui faisait la Glaser interviewant Jacqueline Maillant tout en tortillant ses cheveux.
Aujourd'hui, les conventions et les tics télévisuels existent toujours, mais sont ailleurs, dans les plans qui bougent constamment, dans le montage ultra-rapide, dans les sujets de quatre secondes avec jingle, dans les musiques de fonds qui obligent les animateurs à hurler, dans les bruitages, et, dans cinquante ans, on rira peut-être de toute cette agitation pour des sujets bien dérisoires montés artificiellement en épingle pour des questions de marketing.
©Sergio Belluz, 2017, le journal vagabond (2016).