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* cinéma italien *


Totò et Peppino contre le Nord (Bienvenu chez les Ch'tis peut aller se rhabiller)

C’est Mastrocinque – un metteur en scène italien bien trop sous-estimé – qui, dans Totò, Peppino e la malafemmina, dirige les deux vedettes comiques, Totò et Peppino De Filippo dans ce chef-d’oeuvre de 1956 qui, bien qu’en noir et blanc, et d’une époque passée, arrive encore à faire rire aux éclats un public de tous âge soixante-deux ans plus tard.

 

1956 Totò Peppino Malafemmina 01.jpg

 

L’argument : deux frères, les frères Caponi, des paysans de la région de Naples, l’un avare et simplet (Peppino), l’autre rusé et bon vivant (Totò) ont un neveu qui étudie la médecine à Naples et qui tombe amoureux d’une actrice - la malafemmina du titre, c’est à dire la séductrice, la femme de mauvaise vie, la plantureuse fausse blonde platine italienne jouée par une actrice célèbre à l’époque (au pseudo révélateur, Dorian Gray), pour laquelle il emprunte de l’argent et part pour Milan.

 

1956 De Curtis Antonio Totò La malafemmina Dorian Gray.jpg

 

La mère du jeune homme, une veuve, qui l’apprend par une lettre anonyme, rameute ses deux frères (Totò et Peppino) et toute l’équipe part pour Milan sauver le jeune homme des griffes de l’actrice.

 

C’est extraordinaire de vitalité, de dialogues déjantés, d’humour décalé, et il y a des scènes d’anthologie, la scène de la lettre qu’un des frères dicte à l’autre, par exemple...

 

 

 

 

... ou la scène de l’arrivée des deux frères napolitains à Milan – avec Bienvenue chez les Ch’tis, Dany Boon n’a rien inventé – et la scène de la conversation en allemand de cuisine avec l’agent de police milanais, qui, pour ces deux méridionaux, est forcément germanique puisqu’il est Milanais...

 

  

 

Des films aussi brillants que celui-là prouvent qu’il y a un préjugé intellectuel terrible contre le cinéma populaire, qui ressemble beaucoup à ce préjugé tenace contre la comédie en général, qui ne serait pas aussi noble et transcendantale que la tragédie.

 

Mais combien de nos prétendus grands films arriveront à faire rire aux éclats et à émouvoir toute une foule soixante-deux ans plus tard avec cette efficacité redoutable, avec ce rythme parfait, avec cette mécanique bien rodée et pourtant jamais artificielle ?

 

Et quelle fantaisie ! Et quelle verve !

 

©Sergio Belluz, 2019, le journal vagabond (2018)


20/11/2019
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‘Miseria e Nobiltà’ : le cinéma italien dans toute sa noblesse populaire

Mario Mattoli, le metteur en scène, a eu l’ingénieuse idée, pour Miseria e Nobiltà (‘Misère et Noblesse’, 1954), d’encadrer – littéralement – le texte de la pièce du grand dramaturge napolitain Scarpetta au début et à la fin : le film commence avec une soirée au théâtre, à Naples, le rideau s’ouvre et le film commence, et se termine avec les protagonistes qui saluent le public du théâtre.

 

C’est tout simple, c’est de très bon goût, et c’est même subtil.

 

Ensuite, le texte de Scarpetta est une merveille et c’est incompréhensible pour moi que d’aussi magnifiques dramaturges – je pense aussi, bien sûr, au grand Eduardo De Filipppo – soient si rarement joués chez nous.

 

Est-ce que c’est une question de traduction ? De droits d’auteur ? Est-ce que ça tient à des préjugés tenaces qui feraient qu’une comédie italienne est forcément superficielle ?

 

En l’occurrence, la pièce et le film traitent de la valeur de chacun, qu’on soit riche ou pauvre, noble ou roturier : des pauvres se font passer pour des aristocrates afin d'aider des nobles dont certains sont très désargentés, et le plus riche, dans tout ça, est un cuisinier qui a hérité une fortune de son ancien patron.

 

D’où le titre Miseria e Nobiltà, ‘Misère et Noblesse’.

 

Évidemment, on rit aux éclats à cette famille pauvre qui doit se débrouiller pour manger – Totò est écrivain public, et dépend d’illettrés pour acheter une pizza, son compagnon d’infortune est photographe à la petite semaine.

 

Quand on demande à ces gens de se faire passer pour des nobles afin de rendre service à un couple dont le jeune homme est aristocrate mais dont le père refuse qu’il se marie à une danseuse (une toute jeune Sophia Loren), c’est évidemment le regard des gens modestes sur la noblesse, lesdits gens pauvres se prenant au jeu, d’autant qu’ainsi ils accèdent à de la nourriture inespérée et raffinée.

 

Une verve extraordinaire, un rythme soutenu, des scènes d’anthologie, et cette drôlerie fantasque et triste à la fois de la comédie napolitaine...

 

Quel dommage, vraiment, que nos élites théâtrales ne soient pas capables de rire – et de rire d’eux-mêmes en premier.

 

©Sergio Belluz, 2019, le journal vagabond (2018).

 

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21/03/2019
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Le cinoche, le bon: 'Totò Truffa 62'

Hier soir, j’ai regardé avec amusement Totò Truffa 62, où Totò est en duo avec un autre acteur, et où on passe en revue tous les moyens qu’il a de récolter de l’argent pour payer les études de sa fille dans un pensionnat chic (L’Istituto Lausanne !).

 

Si l’histoire part en quenouille, les numéros, eux, sont très drôles.

 

Le scénario fait cohabiter les sketches de Totò et de son acolyte (Nino Taranto), censés être d’anciens transformistes (ils se déguisent en plein de personnages, hommes et femmes) et une petite intrigue amoureuse (la fille de Totò tombe amoureuse du fils du commissaire de police qui veut faire arrêter Totò, un ami de collège).

 

Ça ne casse rien, bien sûr. Mais les sketches sont hilarants, avec cette verve napolitaine qui tombe volontiers dans l’absurde ou le sous-entendu subtil.

 

Et puis, pour moi, il y a toujours ces à-côtés passionnants, dans les vieux films : des façons de parler, des usages, des images de villes telles qu’elles étaient il y a cinquante ans et plus, la musique qui était à la mode – en l’occurrence, le cha-cha-cha et le début du rock’n’roll façon Be Bop A Lula de Gene Vincent) – et la façon dont les jeunes trompaient les adultes.

 

Il y a une vraie sociologie dans les films, ils ont figés dans le temps des moments très précis qu’ils ont souvent décrits sans y penser (c’était la réalité du moment, ou plutôt ce qu’on estimait être le réel).

 

J’ai par exemple pensé à ma mère qui, dans ces années-là, était aussi avide de rock’n’roll, et de vivre, et d’échapper au terrible ennui familial.

 

Ces films-là me font ressentir ça de l’intérieur et de l’extérieur à la fois : ils renferment, sans le vouloir, la logique de ces époques.

 

On en arrive toujours à ça : ce qui nous semble logique, normal, évident, courant, moderne, sera désuet dans quelques années, et c’est ce décalage de temps qui séparera ce qui était vraiment réel de ce qui n’était que circonstanciel.

 

©Sergio Belluz, 2018, le journal vagabond (2017)

 

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20/08/2018
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Le cinoche, le bon : 'Guardie e Ladri' avec Totò et Aldo Fabrizi (1951)

Hier soir, moments de rire avec Guardie e Ladri, ce chef-d’oeuvre méconnu de la comédie italienne.

 

Au scénario, entre autres, Cesare Zavattini, Mario Monicelli, Stenio et Aldo Fabrizi, qui joue aussi un des deux rôles principaux,

 

À la réalisation, Monicelli et Stenio, et la photographie est due au futur cinéaste Mario Bava.

 

C’est une coproduction Carlo Ponti (le mari de Sophia Loren) et Dino de Laurentiis (le mari de Silvana Mangano), et c’est Aurelio de Laurentiis, le fils, qui présente le DVD.

 

C’est surtout, surtout, Aldo Fabrizi et Totò qui, tous deux, se partagent le film, l’un gendarme (Fabrizi), l’autre voleur à la petite semaine (Totò), l’un menacé dans son emploi pour avoir laissé échapper l’autre, l’autre fatigué de toujours courir pour entretenir sa famille, qui ne connait pas ses activités.

 

La reconnaissance mutuelle de leurs deux misères touche et touche juste, chacun jouant le rôle que la société lui a attribué, sans être dupe, les deux comprenant le système et s’arrangeant avec lui.

 

Des scènes de poursuites hilarantes, des saynètes drôles où Totò engage de jeunes gosses romains pour aller toucher une aide alimentaire pour famille nombreuse (les gosses négocient sec et exigent deux sacs de victuailles au lieu d’un seul proposé par Totò...).

 

Encore un exemple de l’extraordinaire qualité du cinéma italien de l’âge d’or, à la fois émouvant et drôle, sophistiqué, très écrit, aux scénarios futés, et populaires.

 

Ça n’a pas pris une ride.

 

Le film a reçu le prix du meilleur scénario à Cannes.

 

©Sergio Belluz, 2018, le journal vagabond (2017)

 

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17/08/2018
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Cinecittà dans les années 50 : BB, Daniel Gélin, Ursula Andress.

« C’était la Rome de la dolce vita que Fellini allait immortaliser quelques années plus tard. Les vedettes du monde entier se retrouvaient à Cinecittà, cet 'Hollywood sur le Tibre'.

 

[…] Heureuse et trop brève période, partagée avec nos amis italiens, anglais, français, américains. Les night-clubs, bien sûr, mais surtout les dîners à la guitare, les grandes virées à pied, la nuit, sur le pavé des rues étroites du Trastevere, les bains de minuit sur les plages d’Ostie ou de Fregene, dans l’eau pure d’une Méditerranée vierge de goudron et de déchets chimiques. La drogue n’était pas encore un « must » et ce paradis romain n’avait rien d’artificiel.

 

Notre ami Daniel Gélin avait convaincu une ravissante Suisse-Allemande de dix-sept ans de l’accompagner à Rome. Cette créature spectaculaire, romantique à l’excès, avait fait un rêve qu’elle dut très vite oublier. La vie tumultueuse de Daniel Gélin lui faisait peur. Un soir, en larmes, elle arriva à l’hôtel de la Ville avec un petit sac pour tout bagage et nous demanda de l’héberger.

 

« Ma pauvre vieille, lui dit Brigitte, on veut bien te garder mais on n’a qu’un lit. Remarque, il est grand. Il y a de la place pour trois. »

 

C’est ainsi que, pendant une semaine, je partageai mon lit avec Brigitte Bardot et Ursula Andress. Et je le sais, je vais décevoir mes lecteurs : pas de flirt, pas de sexe. »

 

Roger Vadim, D’une étoile l’autre (Paris: Le Livre de Poche,  Édition no 1, 1986)

 

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03/06/2015
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