* Oriana Fallaci *
Oriana Fallaci, sur l’injustice sociale.
« Tu connaitras l’injustice autant que la violence : je dois aussi te préparer à ça. Et je ne veux pas dire l’injustice de tuer un poulet pour le manger, une vache pour l’écorcher, une femme pour la punir : je veux dire l’injustice qui divise qui possède et qui ne possède pas. L’injustice qui lasse ce poison dans la bouche, pendant que la mère enceinte époussette les tapis des autres. Comment on résout un problème comme ça je ne sais pas. Tous ceux qui s’y sont essayé sont juste arrivé à remplacer qui époussette le tapis par quelqu’un d’autre. Quel que soit le système dans lequel tu naîtras, quelle que soit l’idéologie, il y aura toujours tel ou tel qui époussettera le tapis d’un autre, et il y a toujours une gamine humiliée qui voudrait des pralinés. Tu ne trouveras jamais un système, jamais une idéologie, qui puisse changer le coeur des hommes et en ôter la méchanceté. Quand on te dira chez-nous-c’est-différent, réponds : menteurs. Et défie-les de te démontrer que chez eux il n’y a pas de nourriture pour riches et de saisons pour pauvres. L’hiver est une saison pour riches. Si tu es riche, le froid devient un jeu parce que tu t’achètes une fourrure et un chauffage et tu vas skier. Si tu es pauvre, en revanche, le froid devient une malédiction, et tu apprends même à détester la beauté d’un paysage blanc sous la neige. L’égalité, mon enfant, n’existe que où tu te trouves : comme la liberté. Dans l’oeuf, et seulement là, on est égaux. Mais est-ce qu’il faut vraiment que tu viennes connaitre de telles injustices, toi qui vis là sans servir personne ? »
Oriana Fallaci, Lettera a un bambino mai nato (Milano : Rizzoli, 1975), ma traduction.
L’original:
« Conoscerai l’ingiustizia quanto la violenza : devo prepararti anche a questo. E non intendo l’ingiustizia di uccidere un pollo per mangiarlo, una vacca per scuoiarla, una donna per punirla : intendo l’ingiustizia che divide chi ha e chi non ha. L’ingiustizia che lascia questo veleno in bocca, mentre la madre incinta spolvera il tappeto altrui. Come si risolva un tale problema non so. Tutti coloro che ci hanno provato sono riusciti soltanto a sostituire chi spolvera il tappeto. In qualunque sistema tu nasca, qualunque ideologia, c’è sempre un tale che spolvera il tappeto di un altro, e c’è sempre una bambina umiliata da un desiderio di gianduiotti. Non troverai mai un sistema, mai un’ideologia, che possa mutare il cuore degli uomini e cancellarne la malvagità. Quando ti diranno da-noi-è-diverso, rispondigli : bugiardi. Poi sfidali a dimostrarti che da loro non esistono cibi per ricchi e cibi per poveri, case pei ricchi e case pei poveri, stagioni pei ricchi e stagioni pei poveri. L’inverno è una stagione da ricchi. Se sei ricco, il freddo diventa un gioco perché ti compri la pelliccia e il riscaldamento e vai a sciare. Se sei povero, invece, il freddo diventa una maledizione e impari a odiare perfino la bellezza di un paesaggio bianco sotto la neve. L’uguaglianza, bambino, esiste solo dove stai tu : come la libertà. Nell’uovo e basta siamo tutti uguali. Ma è proprio il caso che tu venga a conoscere tali ingiustizie, tu che lì vivi senza servire nessuno ? »
Oriana Fallaci, sur l’esclavage des hommes.
« Avec ces esclavages, tu connaitras ceux qui sont imposés par les autres, c’est à dire des mille et mille habitants de la fourmilière. Leurs habitudes, leurs lois. Tu n’imagines pas combien sont suffocantes leurs habitudes à imiter, leurs lois à respecter. Ne fais pas ci, ne fais pas ça, fais ci, fais ça... Et si c’est tolérable quand tu vis parmi des gens bien qui ont une certaine idée de la liberté, ça devient infernal quand tu vis parmi les tout-puissants, qui te nie même le droit au luxe de la rêver, la liberté : de la réaliser dans tes fantasmes. Les lois des tout-puissants n’offrent qu’un avantage : tu peux réagir contre elle en luttant, en mourant. Les lois des gens biens, en revanche, ne t’offrent aucun échappatoire, parce qu’on te convainc que c’est noble de les accepter. Quel que soit le système où tu vivras, tu ne peux pas te rebeller contre cette loi qui fait que celui qui gagne est toujours le plus fort, le tout-puissant, le moins généreux. Et tu peux d’autant moins te rebeller contre la loi que pour manger il faut de l’argent, pour dormir il faut de l’argent, pour marcher dans une paire de chaussure il faut de l’argent, pour se réchauffer en hiver il faut de l’argent, et que pour avoir de l’argent il faut travailler. Ils te raconteront des tas d’histoire sur la nécessité de travailler, la joie du travail, la dignité du travail. N’y crois pas, jamais. C’est un autre mensonge inventé à la convenance de qui a organisé ce monde. Le travail est un chantage qui en reste un, même quand tu t’y plais. Tu travailles toujours pour quelqu’un, jamais pour toi-même. Tu travailles toujours avec peine, jamais avec joie. Et jamais quand tu en aurais envie. Même si tu ne dépends de personne et que tu cultives ton jardin, tu dois piocher quand le soleil, la pluie et les saisons le veulent bien. Même si tu n’as à obéir à personne et ton travail est artistique, c’est à dire création, libération, tu dois te plier aux exigences et aux abus des autres. Peut-être que dans un passé très lointain, si lointain que le souvenir s’en est dissous, ce n’était pas comme ça. Et travailler était une fête, une joie. Mais il y avait peu de gens, à cette époque, et on pouvait rester seul. Tu viens au monde mille neuf cents soixante-quinze ans après la naissance d’un homme qu’ils appellent le Christ, qui est venu au monde des centaines de milliers d’années après un autre homme dont on ignore le nom, et depuis ces temps-là, les choses vont comme je te l’ai dit. Une statistique récente affirme que nous sommes déjà quatre milliards. C’est dans ce tas que tu arriveras. Et combien tu regretteras ton barbotage solitaire dans l’eau, mon enfant ! »
Oriana Fallaci, Lettera a un bambino mai nato (Milano : Rizzoli, 1975), ma traduction.
L’original:
« Insieme a quelle schiavitù, conoscerai quelle imposte dagli altri e cioè dai mille e mille abitanti del formicaio. Le loro abitudini, le loro leggi. Non immagini quanto siano soffocanti le loro abitudini da imitare, le loro leggi da rispettare. Non fare questo, non fare quello, fai questo e fai quello... E se ciò è tollerabile quando vivi tra brava gente che ha un’idea della libertà, diventa infernale quando vivi tra prepotenti che ti negano perfino il lusso di sognarla, la libertà : realizzarla nella tua fantasia. Le leggi dei prepotenti offrono solo un vantaggio : ad esse puoi reagire lottando, morendo. Le leggi della brava gente, invece, non t’offrono scampo perché ti si convice che è nobile accettarle. In qualsiasi sistema tu viva, non puoi ribellarti alla legge che a vincere è sempre il più forte, il più prepotente, il meno generoso. Tantomeno puoi ribellarti alla legge che per mangiare ci vuole il denaro, per dormire ci vuole il denaro, per camminare dentro un paio di scarpe ci viole il denaro, per riscaldarsi d’inverno ci vuole il denaro, che per avere il denaro bisogna lavorare. Ti racconteranno un mucchio di storie sulla necessità del lavoro, la gioia del lavoro, la dignità del lavoro. Non ci credere, mai. Si tratta di un’altra menzogna inventata per la convenienza di chi organizzó questo mondo. Il lavoro è un ricatto che rimane tale anche quando ti piace. Lavori sempre per qualcuno, mai per te stesso. Lavori sempre con fatica, mai con gioia. E mai nel momento in cui ne avresti voglia. Anche se non dipendi da nessuno e coltivi il tuo pezzo di terra, devi zappare quando vogliono il sole e la pioggia e le stagioni. Anche se non ubbidisci a nessuno e il tuo lavoro è arte cioè creazione, liberazione, devi piegarti alle altrui esigenze o soprusi. Forse in un passato molto lontano, tanto lontano che se ne è smarrito il ricordo, non era così. E lavorare era una festa, un’allegria. Ma esistevano poche persone a quel tempo, e potevano starsene sole. Tu vieni al mondo dopo millenovecentosettantacinque anni la nascita di un uomo che chiamano Cristo il quale venne al mondo centinaia di migliaia di anni dopo un altro uomi di cui si ignora il nome, e di questi tempi le cose vanno come t’ho detto. Una recente statistica afferma che siamo già quattro miliardi. In quel mucchio entrerai. E quanto rimpiangerai il tuo sguazzare solitario nell’acqua, bambino ! »
Oriana Fallaci, sur la liberté et sur la famille.
« Tu entendras beaucoup parler de liberté. Ici, chez nous, c’est un mot aussi éculé que le mot amour qui, je te l’ai déjà dit, est le plus éculé de tous. Tu rencontreras des hommes qui se font couper en morceaux pour la liberté, qui subissent des tortures, en espérant de mourir. Et j’espère que tu seras un de ceux-ci. Mais, au moment-même où tu te feras torturer pour la liberté, tu découvriras qu’elle n’existe pas, qu’elle existait tout au plus que pour autant que tu sois à sa recherche : comme un rêve, une idée née d’un souvenir de ta vie avant de naître, quand tu étais libre parce que tu étais seul. Je continue à répéter que tu es prisonnier là-dedans, je continue à penser qu’il y a peu d’espace et que dorénavant tu seras même dans l’obscurité : mais dans cette obscurité, dans ce peu d’espace, tu es libre comme tu ne le seras jamais plus dans ce monde immense et sans pitié. Tu n’as à demander permis à personne, à demander de l’aide à personne, là-dedans. Parce que tu n’as personne à tes côtés et que tu ignores ce qu’est l’esclavage. Ici, au dehors, au contraire, tu auras mille patrons. Et ton premier patron, ce sera moi, qui, sans le vouloir, peut-être sans le savoir, t’imposera des choses qui sont justes pour moi mais pas pour toi. Ces jolis petits souliers, par exemple. Ils sont beaux pour moi, mais pour toi ? Tu crieras, tu hurleras quand je te les enfilerai. Mais je te les enfilerai quand même, peut-être en soutenant que tu as froid, et tu t’habitueras un peu à chaque fois. Tu te plieras, vaincu, au point de souffrir si tu ne les as plus. Et ce sera le début d’une longue chaine d’esclavage dont le premier anneau sera toujours représenté par moi, puisque tu ne pourras pas rien faire sans moi. Moi, qui te nourrirai, moi qui te couvrirai, moi qui te laverai, moi qui te porterai dans mes bras. Et puis tu commenceras à marcher par toi-même, à manger par toi-même, a choisir toi-même où tu veux et quand tu veux te laver. Mais alors surgiront d’autres esclavages. Mes conseils. Mes leçons. Mes recommandations. Ta propre peur de me faire du chagrin en faisant des choses autres que celles que je t’aurai enseignées. Beaucoup de temps coulera, à tes yeux, avant que je te laisse partir comme les oiseaux que les parents chassent du nid, le jour où ils savent voler. Ce temps viendra enfin, et je te laisserai partir, je te laisserai traverser la rue tout seul, feu vert et feu rouge. Je t’y pousserai. Mais ça n’augmentera pas ta liberté, parce que tu resteras enchainé à moi par l’esclavage des affections, l’esclavage du regret. Certains appellent ça l’esclavage de la famille. Je ne crois pas à la famille. La famille est un mensonge construit par celui qui a organisé ce monde pour mieux contrôler les gens, en exploiter le mieux l’obéissance aux règles. On se rebelle plus facilement quand on est seul, on se résigne plus facilement quand on vit avec d’autres. La famille n’est que le porte-parole d’un système qui ne peut pas te laisser désobéir, et sa sainteté n’existe pas. Il n’existe que des groupes d’hommes et de femmes et d’enfants contraints à porter le même nom et à habiter sous le même toit : en se détestant, en se haïssant, souvent. Mais le regret existe, et les liens existent, enracinés en nous comme les arbres qui résistent même à l’ouragan, ou aux inévitables faim et soif. Tu ne peux jamais t’en libérer, même si tu essaie avec toute ta volonté, ta logique. Des fois tu crois les avoir oubliés et un jour ils réapparaissent, irrémédiablement, sans pitié, pour te mettre la corde au cou pire que les boeufs. Et pour t'étrangler. »
Oriana Fallaci, Lettera a un bambino mai nato (Milano : Rizzoli, 1975), ma traduction.
L’original:
« Udrai molto parlare di libertà. Qui da noi è una parola sfruttata quasi quanto la parola amore che, te l’ho detto, è la più sfruttata di tutte. Incontrerai uomini che si fanno fare a pezzi per la libertà, subendo torture, magari accettando la morte. Ed io spero che sarai uno di essi. Però, nello stesso momento in cui ti farai straziare per la libertà, scoprirai che essa non esiste, che al massimo esisteva in quanto la cercavi : come un sogno, un’idea nata dal ricordo della tua vita prima di nascere, quando eri libero perché eri solo. Io continuo a ripetere che sei prigioniero lì dentro, continuo a pensare che hai poco spazio e che d’ora innanzi starai perfino al buio : ma in quel buio, in quel poco spazio, tu sei libero come non lo sarai mai più in questo mondo immenso e spietato. Non devi chiedere permesso a nessuno, aiuto a nessuno, lì dentro. Perché non hai accanto nessuno ed ignori cosa sia la schiavitù. Qui fuori, invece, avrai mille padroni. E il primo padrone sarò io che senza volerlo, magari senza saperlo, ti imporrò cose che sono giuste per me non per te. Quelle belle scarpine, ad esempio. Sono belle per me ma per te ? Griderai ed urlerai quando te le infilerò. Ma io te le infilerò lo stesso, magari sostenendo che hai freddo, e un po’ alla volta ti ci abituerai. Ti piegherai, domato, fino a soffrire se ti mancheranno. E questo sarà l’inizio di una lunga catena di schiavitù dove il primo anello verrà sempre rapprensentato da me, visto che tu non potrai fare a meno di me. Io che ti nutrirò, io che ti coprirò, io che ti laverò, io che ti porterò in braccio. Poi incomincerai a camminare da te, mangiare da te, a scegliere da te dove andare e quando lavarti. Ma allora sorgeranno altre schiavitù. I miei consigli. I miei insegnamenti. Le mie raccomendazioni. La tua stessa paura di darmi dolore facendo cose diverse da quelle che ti avrò insegnato. Passerà molto tempo, ai tuoi occhi, prima ch’io ti lasci partire come gli uccelli che i genitori buttano fuori dal nido, il giorno in cui sanno volare. Infine quel tempo verrà, e io ti lascerò partire, ti lascerò attraversare la strada da solo, col verde e col rosso. Ti ci spingerò. Ma quelsto non aumenterà la tua libertà perché mi resterai incatenato con la schiavitù degli affetti, la schiavitù del rimpianto. Alcuni la chiamano schiavitù della famiglia. Io non credo alla famiglia. La famiglia è una menzogna costruita da chi organizzò questo mondo per controllare meglio la gente, sfruttarne meglio l’obbedienza alle regole. Ci si ribella più facilmente quand si è soli, ci si rassegna più facilmente quando si vive con altri. La famiglia non che è il portavoce di un sistema che non può lasciarti disubbidire, e la sua santità non esiste. Esistono solo gruppi di uomini e donne e bambini costretti a portare lo stesso nome ed abitare sotto lo stesso tetto : detestandosi, odiandosi, spesso. Però il rimpianto esiste, e i legami esistono, radicati in noi come alberi che non cedono neanche all’uragano, inevitabili come la fame e la sete. Non te ne puoi mai liberare, anche se ci provi con tutta la tua volontà, la tua logica. Magari credi di averli dimenticati e un giorno riaffiorano, irrimediabilmente, spietati, per metterti la corda al collo più di qualsiasi boia. E strozzarti. »
Oriana Fallaci, sur l’amour.
« Si je l’aimais ? Un jour, toi et moi on devra discuter de cette chose qu’on nomme amour. Parce qu’honnêtement, je n’ai pas encore compris de quoi il s’agit. J’ai le soupçon qu’il s’agit d’une gigantesque tromperie, inventée pour que les gens se conduisent bien et pour les distraire. Ceux qui parlent d’amour, ce sont les prêtres, les affiches publicitaires, les lettrés, les politiciens, ceux qui font l’amour, et, en parlant d’amour, en le présentant comme la panacée de toute tragédie, blessent, trahissent et tuent l’âme et le corps. Je le déteste, ce mot qu’on trouve partout et dans toutes les langues. J’aime-marcher, j’aime-boire, j’aime-fumer, j’aime-la-liberté, j’aime-mon-amant, j’aime-mon-fils. J’essaie de ne jamais l’employer, de ne même pas me demander si ce qui dérange mon esprit et mon coeur est cette chose qu’on appelle amour. D’ailleurs, je ne sais pas si je t’aime. Je ne pense pas en termes d’amour. Je pense à toi en termes de vie. Et ton père, je vais te dire : plus j’y pense, plus je crois que je ne l’ai jamais aimé. Je l’ai admiré, je l’ai désiré, mais aimé, non. De même que ceux qui sont venus avant lui, fantômes d’une recherche toujours déçue. Déçue ? Ça a quand même servi à quelque chose, après tout : à comprendre que rien ne menace plus ta liberté que ce mystérieux transport qu’une créature éprouve pour une autre créature, par exemple un homme pour une femme, ou une femme pour un homme. Il n’y a pas de liens ni de barreaux qui contraignent à un esclavage plus aveugle, à un oubli tout aussi aveugle de tes droits, de ta dignité, de ta liberté. Gare à toi si tu te donne à quelqu’un au nom de ce transport. Comme un chien qui se débat dans l’eau, tu cherches en vain à rejoindre une rive qui n’existe pas, la rive qui a pour nom Aimer et Être Aimé, et tu finis neutralisé, moqué, déçu. Dans le meilleur des cas, tu finis par te demander qu’est-ce qui t’avait poussé à te lancer à l’eau : le mécontentement de toi-même, l’espoir de trouver dans un autre ce que tu ne voyais pas en toi ? La peur de la solitude, de l’ennui, du silence ? Le besoin de posséder et d’être possédé ? Selon certains, c’est ça, l’amour. Mais je crains que ce soit bien moins que ça : une faim qui, une fois rassasiée, te laisse une sorte d’indigestion. Et pourtant, pourtant, il doit bien y avoir quelque chose qui puisse me révéler la signification de ce mot maudit, mon enfant. Il doit bien y avoir quelque chose qui puisse me faire découvrir ce que c’est, et que ça existe. J’ai ai si besoin, j’en ai si faim. Et c’est à ce besoin que je pense : peut-être que c’est vrai ce qu’a toujours soutenu ma mère. L’amour, c’est ce qu’une femme ressent pour son fils quand elle le prend dans ses bras et le sens seul, innocent, sans défense. Au moins, tant qu’il est innocent, sans défense, lui il ne t’insulte pas, il ne te trompe pas. Et si c’était à toi de découvrir le sens de ces cinq lettres absurdes ? Oui, à toi, qui me voles à moi-même et me suce le sang et me respire la respiration ? »
Oriana Fallaci, Lettera a un bambino mai nato (Milano : Rizzoli, 1975), ma traduction.
L’original :
« Lo amavo ? Un giorno io e te dovremo discutere un poco su questa faccenda chiamata amore. Perché, onestamente, non ho ancora capito di cosa si tratti. Il mio sospetto è che si tratti di un imbroglio gigantesco, inventato per tener buona la gente e distrarla. Di amore parlano i preti, i cartelloni pubblicitari, i letterati, i politici, coloro che fanno all’amore, e parlando di amore, presentandolo comme toccasana di ogni tragedia, feriscono e tradiscono e ammazzano l’anima e il corpo. Io la odio questa parola che è ovunque e in tutte le lingue. Amo-camminare, amo-bere, amo-fumare, amo-la-libertà, amo-il-mio-amante, amo-mio-figlio. Io cerco di non usarla mai, di non chiedermi nemmeno se ciò che turba la mia mente e il mio cuore è la cosa che chiamano amore. Infatti non so se ti amo. Non penso a te in termini di amore. Penso a te in termini di vita. E tuo padre, guarda : più ci penso, più credo di non averlo mai amato. L’ho ammirato, l’ho desiderato, ma amato no. Così coloro che vennero prima di lui, fantasmi deludenti di una ricerca sempre fallita. Fallita ? A qualcosa servì, dopotutto : a capire che nulla minaccia la tua libertà quanto il misterioso trasporto che una creatura prova verso un’altra creatura, ad esempio un uomo verso una donna, o una donna verso un uomo. Non vi sono né cinghie né catene sbarre che costringano a una schiavitù più cieca, a un oblio altrettanto cieco dei tuoi diritti, della tua dignità, della tua libertà. Guai se ti regali a qualcuno in nome di quel trasporto. Come un cane che annaspa nell’acqua cerchi invano di raggiungere una riva che non esiste, la riva che ha nome Amare ed Essere Amato, e finisci neutralizzato deriso deluso. Nel caso migliore finisci col chiederti cosa ti spinse a buttarti nell’acqua : lo scontento di te stesso, la speranza di trovare in un altro ciò che non vedevi in te stesso ? La paura della solitudine, della noia, del silenzio ? Il bisogno di possedere ed essere posseduto ? Secondo alcuni è questo l’amore. Ma io temo che sia molto meno : una fame che, una volta saziata, ti lascia una specie di indigestione. E tuttavia, tuttavia, deve pur esserci qualcosa in grado di rivelarmi il significato di quella maledetta parola, bambino. Deve pur esserci qualcosa in grado di farmi scoprire cos’è, e che c’è. Ne ho tanto bisogno, tanta fame. Ed è in questo bisogno che penso : forse è vero ciò che ha sempre sostenuto mia madre. L’amore è ciò che una donna sente per suo figlio quando lo prende tra le braccia e lo sente solo, inerme, indifeso. Almeno fino a quando è inerme, indifeso, lui non ti insulta, non ti delude. E se toccasse a te farmi scoprire il significato di quelle cinque lettere assurde ? Proprio a te che mi rubi a me stessa e mi succhi il sangue e mi respiri il respiro ? »
Oriana Fallaci, sur le fait de naître homme.
« Mais si tu naissais homme je serai contente aussi. Et peut-être davantage même, parce que te seront épargnées tant d’humiliations, tant de servitude, tant d’abus. Si tu naissais homme, par exemple, tu n’auras pas à craindre d’être violé dans une rue sombre. Tu n’auras pas à te servir d’un beau visage pour être accepté au premier regard, d’un beau corps pour cacher ton intelligence. Tu n’auras pas à subir de jugements malveillants quand tu coucheras avec qui ça te chante, tu n’entendras pas dire que le péché est né le jour où tu as cueilli une pomme. Ce sera beaucoup moins pénible. Tu pourras te battre plus commodément pour soutenir que si Dieu existait, Il pourrait aussi être une vieille avec des cheveux blancs, ou une belle femme. Tu pourras désobéir sans qu’on se moque de toi, aimer sans te réveiller une nuit avec l’impression de tomber dans un puits, te défendre sans qu’on t’insulte à la fin. Naturellement, tu subiras d’autres servitudes, d’autres injustices : pour les hommes non plus la vie n’est pas facile, tu sais. Comme tu auras des muscles plus solides, on te demandera de porter des fardeaux plus lourds, on t’imposera des responsabilités arbitraires. Comme tu auras la barbe, on rira quand tu pleures, et même quand tu auras besoin de tendresse. Comme tu auras une queue devant, on t’ordonnera de tuer ou d’être tué à la guerre et on exigera ta complicité pour perpétuer la tyrannie instaurée depuis les cavernes. Pourtant, ou peut-être à cause de ça, être un homme sera aussi une aventure merveilleuse : une activité qui ne te décevra jamais. Du moins je l’espère, parce que si tu naissais homme, j’espère que tu deviendras un homme comme j’en ai toujours rêvé : doux avec les faibles, féroce avec les arrogants, généreux pour qui a de l’affection pour toi, sans pitié pour ceux qui commandent. Ennemi, enfin, de tous ceux qui racontent que les Jésus sont les fils du Père et de l’Esprit Saint, pas de la femme qui leur a donné naissance.
Mon enfant, j’essaie de t’expliquer qu’être un homme ne veut pas dire avoir une queue devant : ça veut dire être une personne. Et surtout, moi, ce qui m’intéresse, c’est que tu sois une personne. C’est un mot étonnant, ce mot personne, parce qu’il ne cantonne pas à être un homme ou une femme, il ne trace pas de frontière entre celui qui a la queue et celui qui ne l’a pas. De toute façon, le fil qui sépare qui a la queue de qui ne l’a pas est un fil tellement subtil : en pratique, il se réduit à la faculté de pouvoir faire croître ou pas un enfant dans son ventre. Le coeur et le cerveau n’ont pas de sexe. Ni le comportement. Si tu es une personne de coeur et de cerveau, souviens-toi de ça, je ne ferai en tout cas pas partie de ceux qui t’enjoindront de te comporter d’une manière ou d’une autre, masculine ou féminine. Je te demanderai juste de bien profiter du miracle d’être né, de ne jamais céder à la lâcheté. Elle nous mord tous, chaque jour, et ils sont rares ceux qui ne se laissent pas marquer par elle. Au nom de la prudence, au nom des convenances, quelquefois au nom de la sagesse. Lâches jusqu’à ce qu’un danger les menace, les humains deviennent fanfarons une fois le danger passé. Tu ne devras jamais éviter le danger, jamais : même si la peur te retient. Venir au monde est déjà un danger. Celui de se repentir, ensuite, d’y être venu. »
Oriana Fallaci, Lettera a un bambino mai nato (Milano : Rizzoli, 1975), ma traduction.
L’original
« Ma se nascerai uomo io sarò contenta lo stesso. E forse di più perchè ti saranno risparmiate tante umiliazioni, tante servitù, tanti abusi. Se nascerai uomo, ad esempio, non dovrai temere d’essere violentato nel buio di una strada. Non dovrai servirti di un bel viso per essere accettato al primo sguardo, di un bel corpo per nascondere la tua intelligenza. Non subirai giudizi malvagi quando dormirai con chi ti piace, non ti sentirai dire che il peccato nacque il giorno in cui cogliesti una mela. Faticherai molto meno. Potrai batterti più comodamente per sostenere che, se Dio esistesse, potrebb’essere anche una vecchia coi capelli bianchi o una bella ragazza. Potrai disubbidire senza venir deriso, amare senza svegliarti una notte con la sensazione di precipitare in un pozzo, difenderti senza finire insultato. Naturalmente ti toccheranno altre schiavitù, altre ingiustizie : neanche per un uomo la vita è facile, sai. Poiché avrai muscoli più saldi, ti chiederanno di portare fardelli più pesi, ti imporranno arbitrarie responsabilità. Poichè avrai la barba, rideranno se tu piangi e perfino se hai bisogno di tenerezza. Poichè avrai una coda davanti, ti ordineranno di uccidere o essere ucciso alla guerra ed esigeranno la tua complicità per tramandare la tirannia che instaurarono nelle caverne. Eppure, o proprio per questo, essere un uomo sarà un’avventura altrettanto meravigliosa : un’impresa che non ti deluderà mai. Almeno lo spero perchè, se nascerai uomo, spero che tu diventi un uomo come io l’ho sempre sognato : dolce coi deboli, feroce coi prepotenti, generoso con chi ti vuol bene, spietato con chi comanda. Infine, nemico di chiunque racconti che i Gesù sono figli del Padre e dello Spirito Santo : non della donna che li partorì.
Bambino, io sto cercando di spiegarti che essere un uomo non significa avere una coda davanti : significa essere una persona. E anzitutto, a me, interessa che tu sia una persona. È una parola stupenda, la parola persona, perché non pone limiti a un uomo o a una donna, non traccia frontiere tra chi ha la coda e chi non ce l’ha. Del resto il filo che divide chi ha la cola da chi non ce l’ha, è un filo talmente sottile : in pratica si riduce alla facoltà di poter crescere o no una creatura nel ventre. Il cuore e il cervello non hanno sesso. E neanche il comportamento. Se sarai una persona di cuore e di cervello, ricordalo, io non starò certo tra quelli che ti ingiugeranno di comportarti in un modo o nell’altro in quanto maschio o femmina. Ti chiederò solo di sfruttare bene il miracolo d’essere nato, di non cedere mai all viltà. È una bestia che sta sempre in agguato, la viltà. Ci morde tutti, ogni giorno, e son pochi coloro che non si lasciano sbranare da lei. In nome della prudenza, in nome della convenienza, a volte della saggezza. Vili fino a quando un rischio li minaccia, gli umani diventan spavaldi dopo che il rischio è passato. Non dovrai evitare il rischio, mai : anche se la paura ti frena. Venire al mondo è già un rischio. Quello di pentirsi, poi, d’esserci venuti. »
Oriana Fallaci, sur le fait d’être femme et le fait d’être mère.
« Je voudrais que tu sois une femme. Je voudrais que tu ressentes un jour ce que je ressens : je ne suis pas du tout d’accord avec ma mère, qui pense que naître femme est un malheur. Ma mère, quand elle est très malheureuse, soupire : « Ah, si j’étais née homme ! ». Je sais : notre monde a été fabriqué par les hommes pour les hommes, leur dictature est si vieille qu’elle inclut même le langage. On dit homme pour dire homme et femme, on dit enfant pour dire fille et garçon, on dit homicide pour indiquer l’assassin d’un homme et d’une femme. Dans les légendes que les mâles ont inventées pour expliquer la vie, la première créature n’est pas une femme : c’est un homme qui s’appelle Adam. Ève arrive après, pour l’amuser et lui créer des ennuis. Dans les tableaux qui ornent leurs églises, Dieu est un vieux à barbe blanche, jamais une vieille à cheveux blancs. Et tous leurs héros sont mâles : depuis ce Prométhée qui a découvert le feu à cet Icare qui a essayé de voler, jusqu’à ce Jésus qu’ils déclarent fils du Père et du Saint Esprit : comme si la femme dont il est né n’était qu’une couveuse ou une nounou. Et pourtant, ou justement à cause de ça, être une femme est si fascinant. C’est une aventure qui demande un tel courage, un défi qui fait qu’on ne s’ennuie jamais. Tu auras tant de chose à entreprendre, si tu nais femme. Pour commencer, tu devras te battre pour affirmer que si Dieu existe il pourrait aussi être une vieille à cheveux blancs ou une superbe fille. Et puis tu devras te battre pour expliquer que le péché n’est pas né le jour où Ève a cueilli la pomme : ce jour-là est née une vertu magnifique qu’on appelle désobéissance. Enfin, tu devras te battre pour démontrer que dans ton corps lisse et rond il y a une intelligence qui demande à être écoutée. Être mère, ce n’est pas un métier. Ce n’est même pas un devoir. C’est juste un droit parmi d’autres droits. Tu te fatigueras tellement à le répéter. Et souvent, presque toujours, tu perdras. Mais tu ne devras pas te décourager. Se battre est beaucoup plus beau que gagner, voyager est beaucoup plus amusant qu’arriver : quand tu es arrivé ou que tu as gagné, tu ressens un grand vide. Oui, j’espère que tu seras une femme : ne te vexe pas si je t’appelle enfant. Et j’espère que tu ne diras jamais ce que dit ma mère. Moi je ne l’ai jamais dit. »
Oriana Fallaci, Lettera a un bambino mai nato (Milano : Rizzoli, 1975), ma traduction.
L’original
« Vorrei que tu fossi una donna. Vorrei que tu provassi un giorno ciò che provo io : non sono affatto d’accordo con la mia mamma la quale pensa che nascere donna sia una disgrazia. La mia mamma, quando è molto infelice, sospira : « Ah, se fossi nata uomo ! ». Lo so : il nostro è un mondo fabbricato dagli uomini per gli uomini, la loro dittatura è così antica che si estende perfino al linguaggio. Si dice uomo per dire uomo e donna, si dice bambino per dire bambino e bambina, si dice figlio per dire figlio e figlia, si dice omicidio per indicar l’assassinio di un uomo e di una donna. Nelle leggende che i maschi hanno inventato per spiegare la vita, la prima creatura non è una donna : è un uomo chiamato Adamo. Eva arriva dopo, per divertirlo e combinare guai. Nei dipinti che adornano le loro chiese, Dio è un vecchio con la barba bianca mai una vecchia coi capelli bianchi. E tutti i loro eroi sono maschi : da quel Prometeo che scoprì il fuoco a quell’Icaro che tentò di volare, su fino a quel Gesù che dichiarano figlio del Padre e dello Spirito Santo : quasi che la donna da cui fu partorito fosse un’incubatrice o una balia. Eppure, o proprio per questo, essere donna è così affascinante. È un’avventura che richiede un tale coraggio, una sfida che non annoia mai. Avrai tante cose da intraprendere se nascerai donna. Per incominciare, avrai da batterti per sostenere che se Dio esistesse potrebbe anche essere una vecchia coi capelli bianchi o una bella ragazza. Poi avrai da batterti per spiegare che il peccato non nacque il giorno in cui Eva colse la mela : quel giorno nacque una splendida virtù chiamata disubbidienza. Infine avrai da batterti per dimostrare che dentro il tuo corpo liscio e rotondo c’è un’intelligenza che chiede d’essere ascoltata. Essere mamma non è un mestiere. Non è neanche un dovere. È solo un diritto fra tanti diritti. Faticherai tanto a ripeterlo. E spesso, quasi sempre, perderai. Ma non dovrai scoraggiarti. Battersi è molto più bello che vincere, viaggiare è molto più divertente che arrivare: quando sei arrivato o hai vinto, avverti un gran vuoto. Sì, spero che tu sia una donna : non badare se ti chiamo bambino. E spero che tu non dica mai ciò che dice mia madre. Io non l’ho mai detto.»
Oriana Fallaci et l’Homme.
Un Uomo d’Oriana Fallaci, un livre magnifique – pas un roman, mais aussi passionnant qu’un roman : un témoignage.
Un portrait magnifiquement écrit, passionné, amoureux, mais aussi objectif, tout est dit à travers l’amour de cette femme journaliste et écrivain pour cet homme rebelle contre le régime militaire grec de Papadopoulos.
C’est toute l’intimité d’une dictature qui est dévoilée, les filatures, les brimades, les abus de pouvoir, les tortures physiques et morales, c’est le fonctionnement interne d’un système.
C’est aussi toute l’ambigüité humaine, qui se prend au jeu du pouvoir et du contrepouvoir, les deux jouant au chat et à la souris, aucun ne réfléchissant au-delà de cette interaction – qu’est-ce que le pouvoir ? qu’est-ce que l’homme ? –, aucun ne remettant en cause l’ensemble, le système humain lui-même, qui veut des dominants et des dominés, des actifs et des passifs, des forts et des faibles, des riches et des pauvres, quel que soit le régime.
C’est tout ça qu’Oriana Fallaci transmet par sa propre interrogation sur cet homme, qu’elle a compris entièrement, dont elle a admiré la rébellion, dont elle a aimé les contradictions.
« L’habitude est la plus infâme des maladies parce qu’elle nous fait accepter n’importe quel malheur, n’importe quelle douleur, n’importe quelle mort. Par habitude, on vit aux côtés de personnes odieuses, on apprend à porter des chaines, à subir des injustices, à souffrir, on se résigne à la douleur, à la solitude, à tout. L’habitude est le plus impitoyable des poisons, parce qu’il entre en nous lentement, silencieusement, il grandit peu à peu, se nourrit de notre inconscience, et quand on comprend qu’il est partout en nous, chaque fibre de nous-mêmes s’y est adapté, chacun de nos gestes est conditionné, il n’y a plus de médecine pour nous guérir. » (ma traduction)
Oriana Fallaci, Un Uomo (Milano: Rizzoli, 1979)
©Sergio Belluz, 2017, Le journal vagabond (2015)
L’original: « L’abitudine è la più infame delle malattie perchè ci fa accettare qualsiasi disgrazia, qualsiasi dolore, qualsiasi morte. Per abidtudine si vive accanto a persone odiose, si impara a portar le catene, a subire ingiustizie, a soffrire, ci si rassegna al dolore, alla solitudine, a tutto. L’abitudine è il più spietato dei veleni perché entra i noi lentamente, silenziosamente, cresce a poco a poco nutrendosi della nostra inconsapevolezza, e quando scopriamo d’averla addosso ogni fibra di noi s’è adeguata, ogni gesto s’è condizionato, non esiste più medicina che possa guarirci. »