Nicolas Bouvier à Cologny : totem moi non plus
Cologny, où vécut Nicolas Bouvier, est une des communes les plus chères de Suisse et a les moyens de s’offrir et d’exposer à l’air libre des sculptures de grands artistes contemporain, en vrac :
...un ‘Totem et Chaton’ par le facétieux Alain Séchas...
...une série de chapeaux melons intitulés ‘L’habit ne fait pas le moine’, par le non moins facétieux André Bucher...
‘Wilsis’, une extraordinaire tête de femme par le catalan Jaume Plensa...
...‘Gocciolataio di Tritacarne’, une drôle de fontaine du Suisse Daniel Spoerri...
...et un un amas ferrugineux en forme de volaille qui ressemble à un skater et qu’on doit au célèbre ferrailleur César, celui des prix de cinéma, qui a intitulé sa sculpture, on ne sait pas bien pourquoi, ‘La Grande Rambaud’.
J’en ai aussi profité pour visiter, au Manoir de Cologny, une petite et passionnante exposition, un choix de photographies de Nicolas Bouvier prises lors de trois séjours successifs au Japon, dans les années 50-60-70.
Nicolas Bouvier, passionné d’iconographie – on lui doit le choix d’illustrations d’un grand nombre de livres – n’a jamais prétendu être photographe et disait de ses photos qu’elles étaient plutôt comme un carnet de notes visuelles, même s’il était très sensible aux couleurs et à la lumière :
« Nos rapports avec la lumière varient chaque jour : il y a des périodes où l’on est comme une vitre sale qui ne laisse rien passer, d’autres où elle se pose naturellement et sans faire d’histoire sur ce que l’on photographie, où l’on nage et se place d’instinct dans le sens du courant lumineux. » (Le vide et le plein : Carnets du Japon, 1964-1970).
Les photos exposées ici sont passionnantes, parce qu’elles parlent du Japon des années 60, qui n’était pas encore le pays hypermoderne d’aujourd’hui.
Nicolas Bouvier écrit quelque part que tout y est inversé : on y conduit à gauche, le blanc est la couleur de la mort...
L’écrivain Bouvier remarque aussi la beauté des caractères japonais qui restent beaux "même dans un état de dégradation avancée – je pense par exemple à une palissade pourrie par la pluie et le soleil, et sur laquelle il reste des traces d’inscription. C’est d’une beauté graphique qui me fascinait. » (Routes et Déroutes,1992)
Avec son goût pour les masques, les musiques, les dramaturgies, les « théâtralités culturelles » Nicolas Bouvier a su capter des instants magnifiques, des scènes de foule, des acteurs, des courtisanes, toute une ethnologie, un exotisme, pour nous surtout.
On y perçoit aussi, comme dans ses livres, sa manière très personnelle de mettre en parallèle les différences avec, par exemple, une affiche publicitaire japonaise pour un film américain...
Une façon délicate et subtile de souligner des contrastes et de transmettre ce plaisir délicieux, rafraîchissant et quelquefois angoissant qu’il y a à se perdre dans l’inconnu.
©Sergio Belluz, 2021, le journal vagabond (2019).
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