Anna de Noailles par Paul Léautaud.
Paul Léautaud : « On a dû vous parler beaucoup de Mme de Noailles, n’est-ce pas ? J’aime beaucoup Mme de Noailles. Elle a fourni à quelqu’un l’occasion d’un si joli « mot » en l’appelant « Mme Réclamier » !
De plus, ses vers ne sont pas mal, quelquefois. Quant à ses romans, vous savez quelles merveilles ce sont. Du Saint-Georges de Bouhélier, ni plus ni moins. Naturellement, il y a des grincheux, comme autour de toutes les gloires.
Si je vous disais qu’hier encore j’ai trouvé quelqu’un qui s’étonnait que M. Remy de Gourmont, malgré une œuvre déjà considérable et diverse au possible, ne soit pas plus connu. Je vous le demande, n’est-ce pas être fou ?
Il y a un dessin de Forain qui représente de belles madames aux champs, en extase devant une petite gardeuse d’oies, dont elles admirent la couleur nature, du haut de leur face-à-main. « On dirait une petite pomme d’api ! » trouve l’une d’elles, en minaudant. « Que dit Pomme d’api ? » Et la petite leur répond : « Pomme d’api, elle vous dit... »
Un écrivain fort connu, et chez qui Mme de Noailles fréquentait, me rappelait dernièrement ce dessin, et me disait : « C’est tout à fait Mme de Noailles avec son admiration pour les légumes. Je la vois se pâmer devant un potager, célébrant dans son cœur « la poésie des radis », comme elle dit, et il me semble les entendre lui répondre : « Les radis, ils vous disent... » Mais vous le garderez pour vous, n’est-ce pas ? ».
Entretiens avec Georges Le Cardonnel et Charles Vellay in La Littérature contemporaine, Paris : Mercure de France, 1905, pp 78-84.
Illustrations:
- Anna de Noailles par Zuloaga (1913)
- Paul Léautaud autour de 1930
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