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Filumena : un caractère de femme et une femme de caractère

En Italie, Filumena Marturano d’Eduardo De Filippo fait partie du répertoire théâtral, au même titre que les comédies de Goldoni.

 

Une pièce prenante, à la thématique un peu vieillie pour des Occidentaux du Nord, mais tout à fait d’actualité pour la plus grande partie du monde : une femme qui, après vingt ans de cohabitation avec son homme, feint d’être mourante pour que sur son lit de mort il accepte enfin de régulariser leur situation (elle était prostituée au départ, c’était un de ses clients).

 

Il fait noblement son devoir, mais quand il s’avère que ce n’était qu’un stratagème pour obtenir le mariage, fait intervenir la loi, qui lui donne raison.

 

Alors Filumena se rebiffe et accepte ce que la loi dit, mais fait venir ses trois enfants, trois hommes, dont l’un est le fils de Dummi’ (Domenico), celui qui ne veut pas l’épouser, qui, tout ému, découvre qu’il est père.

 

LA FAMILLE AVANT TOUT

 

Domenico finit par consentir au mariage et par accepter les trois jeunes hommes comme ses fils, malgré le fait que Filumena refuse de lui dire lequel des trois est vraiment le sien :

 

« Nun m’ ‘addimannà cchiú pecché nun t’ ‘o ddico. Nun t’ ‘o pozzo dicere... E tu devi essere galantuomo a non domandarmelo mai, pecché, p’ ‘o bbene che te voglio, in un momento di debolezza, Dummi’... e sarebbe la nostra rovina. Ma nun he visto che, non appena io ti ho detto c’ ‘o figlio tuio era l’idraulico, subito he cominciato a penzà ai denari... ‘o capitale... il grande negozio... Pecché tu ti preoccupi e giustamente, pecché tu dice: “’E denare so’ ‘e mieie”. E accumience a penzà : « E pecché nun ce ‘o pozzo dicere  a songo ‘o pate ? » “E ll’ati duie chi songo?” “Che diritto tèneno?” L’inferno!... Tu capisci che l’interesse li metterebbe l’uno contro l’altro... Sono tre uomini, nun so’ tre guagliune. Sarríano capace ‘e s’accídere fra di loro... Nun penzá a te, nun penzá a mme... pienz’a loro.”

 

(ma traduction) « Ne me le demande plus, parce que je ne te le dirai pas. Je ne peux pas te le dire... Et sois un chic type et ne me le demande jamais, parce que même avec tout l’amour que j’ai pour toi, dans un moment de faiblesse, Domenico... et ce serait notre ruine. Mais tu n’as pas vu qu’à peine je t’avais dit que ton fils c’était l’ingénieur hydraulique, tu as tout de suite commencé à penser à l’argent... le capital... une bonne affaire... parce que tu y penses, et avec raison, parce que tu te dis : « Cet argent, il est à moi ». Et tu te mets à penser : « Et pourquoi je peux pas lui dire que je suis son père ? » « Et les deux autres, c’est qui ceux-là ? » « Quels droits ils ont ? » L’enfer !... Tu comprends que par intérêt ils se monteraient les uns contre les autres... Ce sont trois hommes, pas trois gamins. Ils seraient capables de s’entretuer... Ne pense pas à toi, ne pense pas à moi... Pense à eux. »

 

Il y a cette dignité des femmes du sud, et leur verve, et la vivacité de leur caractère, le tout exprimé par ce dialecte napolitain si coloré, si cru, drôle et dur à la fois.

 

S’il y a de la comédie, en particulier avec les personnages secondaires, il y a aussi une dimension dramatique très forte, cette femme parlant au nom de toutes les femmes qu’on utilise et puis qu’on jette.

 

©Sergio Belluz, 2018, le journal vagabond (2018).

 

 

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28/09/2018
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