Jacques Copeau sur Émile Jacques-Dalcroze et la Rythmique.
« Mercredi 20 octobre [1915]
Deuxième séance de Rythmique. Cours des enfants du premier âge. Ils n’ont eu encore que quelques leçons. Les résultats sont déjà remarquables. La classe est un peu trop nombreuse et l’attention est un peu flottante. On voit cependant comment Dalcroze sait la cultiver. Je trouve seulement qu’il parle un peu trop, qu’il fait un peu trop de plaisanteries, ce qui rabaisse aux yeux des enfants les exercices qu’ils font. Les ensembles. Faire se mouvoir dans de grands espaces des êtres spontanés. Les plus grandes, les plus générales significations du mouvement. Dalcroze a indiscutablement, et à un très haut degré, le don d’humanité, l’amour et la compréhension des êtres, la faculté de communier avec eux, de les comprendre, de les deviner, d’aller au-devant d’eux pour les aider. Aucun dogmatisme. Une invention, un jaillissement perpétuels. Rien d’arrêté, de cristallisé. Tout le temps l’expérience et la découverte. Il demande à ses élèves de l’instruire lui-même. Il les interroge, les consulte. Il les invite à se critiquer les uns les autres. Il en résulte une union, une aisance, une unanimité, un manque d’affection et de sot amour-propre, et dans l’ensemble une joie qui frappent d’abord. Il sait vivre avec eux. Ce lien qui existe entre mes comédiens et moi, ce quelque chose d’indéfinissable et de réel sur quoi j’ai commencé de bâtir, je le retrouve entre Dalcroze et ses élèves. Et c’est là ce qui importe avant tout : éveiller une collectivité à une vie nouvelle.
Dalcroze fait jouer ses enfants. Ils agissent les péripéties essentielles du conte de Blanche-Neige tandis qu’ils racontent l’histoire à la fois avec des mots et avec des rythmes sur le piano.
Je suis dès maintenant certain du point de contact et d’entente certaine entre les méthodes de Dalcroze et celles que je médite – de la vertu d’une éducation rythmique générale comme base de l’instruction professionnelle du comédien. »
Jacques Copeau, Journal 1901-1915 / 1916-1948, Paris : Seghers, 1991.
Photos:
- Émile Jacques-Dalcroze
- Jacques Copeau
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