Arts de la scène : le Festival de Barcelone (GREC), c’est Avignon à la plage et en moins cher!
On l’oublie, mais Barcelone a depuis toujours été à la pointe de l’avant-garde quand il s’agit des arts de la scène, et du théâtre en particulier, qui a souvent servi de tribune et d’échappatoire pour affirmer la différence catalane face à l’Espagne perçue comme arriérée.
BARCELONE ET L’AVANT-GARDE
Intellectuellement, depuis le XXe siècle, la Catalogne s’est toujours réclamée de l’Europe, et de la civilisation (entendez la France) pour lutter contre la barbarie (entendez Madrid et son gouvernement centralisateur), ce qui explique, par exemple, pourquoi, en Espagne, c’est à Barcelone que les oeuvres de Wagner ont été jouées pour la première fois, et surtout pourquoi tant de productions françaises sont régulièrement présentées ici.
Barcelone compte aussi une délicieuse librairie française, Jaimes, qui propose régulièrement des rencontres littéraires, ainsi qu'un très dynamique Institut Français de Barcelone qui, à part ses excellents cours, invite chaque année de très grands auteurs, organise débats, cycles de cinéma ou concerts.
Toutes ces raisons font que Barcelone reste, avec Paris et Londres, une des villes européennes les plus passionnantes pour ce qui est de la création scénique, par exemple les étonnantes productions de La Fura dels Baus, les hilarants spectacles de la compagnie Tricicle ou de la compagnie La Cubana, ou les productions des deux grands théâtres institutionnels que sont le Teatre Lliure (le Théâtre Libre, une sorte de TNP catalan) et, pour les classiques, celles du Teatre Nacional de Catalunya, sans compter celles du Liceu, l’Opéra de Barcelone, qui programme régulièrement des oeuvres contemporaines dans des mises en scène audacieuses.
LA CITÉ DU THÉÂTRE
Il faut dire que le gouvernement y met beaucoup du sien, et notamment dans la formation, puisqu’à la Ciutat del Teatre, la Cité du Théâtre, sur le Montjuïc, on a concentré l’Institut del Teatre et son irremplaçable centre de documentation, une des meilleures écoles pour tous les métiers de la scène, du son et de l’image, le Mercat de les Flors, consacré à la danse contemporaine et le Teatre Lliure lui-même.
Le Festival de Barcelone a lieu tous les mois de juillet depuis 1976, un an après la mort de Franco. À partir de 1980, la ville de Barcelone s’en est fait le principal financier, et, depuis 37 ans, le festival GREC – c’est à dire, le festival du Théâtre Grec du Montjuïc – offre chaque mois de juillet, une superbe fenêtre à la création scénique contemporaine catalane, espagnole et internationale, sur de multiples scènes, grandes et petites, dont les deux principales, situées sur le Montjuïc, surplombant Barcelone, le fameux Théâtre Grec du Montjuïc (une reconstitution d’un théâtre antique qui se serait trouvé à cet endroit-là) et le Teatre Lliure juste à côté.
Théâtre, musique, danse, marionnettes, tout est disponible, avec, quand il le faut - et il le faut souvent, ici on aime les productions étrangères – des surtitres pour les productions internationales présentées en langue originale.
Quant aux prix, ils défient toute concurrence puisqu'avec un abonnement avantageux j’ai déboursé pour chaque spectacle la somme pharamineuse de... €12.
Je vous laisse juger du programme de cette année (je ne vous mets que quelques-unes des cent propositions, toutes disciplines comprises) :
Danse :
Jacopo Godani/Dresden Frankfurt Dance Company
Israel Galván
Compagnie française Accrorap/Kader Attou
Marta Carrasco
Musique :
Mayte Martín
Jordi Savall Hespérion XXI : Ibn Battuta, le voyageur de l’Islam
Cirque :
Halka, groupe acrobatique de Tanger
Théâtre :
Calígula de Camus
Les Troyennes d’Euripides
Beware of Pity de Stefan Zweig/Simon McBurney/Complicité/Schaubühne
Clean City par la troupe grecque Anestis Azas/Prodromos Tsinikoris
Inflammation du verbe vivre et Les Larmes d’Oedipe, le diptique Des Mourants de Wajdi Mouawad, sur les tragédies de Sophocles
La Grenouille avait raison de James Thierrée et la Compagnie du hanneton
Les Histoires d’Istambul de Yesim Özsoy,
The Great Tamer du grec Dimitri Papaioannou
Who is Me. Pasolini (poeta de las cenizas) d’Álex Rigola
Titans d’Euripides par la compagnie Laskaridis/Osmosis Performing Arts Co
Bodas de Sangre de García Lorca
Les véritables aventures de Don Quichotte de la Mancha, par Philippe Soldevila
Plusieurs de ces productions font l’objet d’une chronique (vous pouvez cliquer sur l'hyperlien), histoire de vous rendre jaloux.
Ou pas.
Mais l’année prochaine, faites-moi plaisir : venez vous faire voir au GREC !
©Sergio Belluz, 2017, le journal vagabond (2017).
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