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L’émotion, valeur marchande

Je me rends compte que si d’aventure quelqu’un lit mon journal vagabond dans un siècle, ce quelqu’un sera en droit de se demander pourquoi les grands événements, et en particulier les grandes catastrophes, y apparaissent aussi peu, et plutôt en filigrane.

 

Je pense, par exemple à ce pont d’autoroute qui s’est écroulé à Gênes et qui a fait une vingtaine de morts ou à l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris.

 

C’est que si je lis quotidiennement de multiples médias écrits, version papier ou en ligne, j’évite l’information mise en scène par les médias audiovisuels, la télévision, en particulier, qui, dans son ambivalence de média de divertissement et d’information tout à la fois, trie dans les infos ce qu’elle considère de plus vendeur et donc de plus payant.

 

Je trouve qu’à chaque grand événement c’est le même cirque, je ne trouve pas d’autre mot.

 

Côté public (et audience), on sent un besoin frénétique d’émotion et d’émotionnel pour se rattacher à quelque chose, pour partager une indignation, une tristesse ou une joie.

 

La patrie ou les héros n’existent plus, alors le moindre événement suscite des bougies sur le lieu concerné, des rassemblements, des déclarations à la radio ou à la télévision, et les politiciens ne sont pas en reste, toujours à la recherche d’opportunités pour se profiler.

 

Les médias, tous les médias, réseaux sociaux compris – « i social » comme on dit en Italie – s’emparent de tout ça, dramatisent tout ça, utilisent tout ça pour de l’audience.

 

C’est le fonctionnement des médias, de toute façon, mais je trouve que c’est exacerbé, aujourd’hui, et je n’ai aucun besoin de ça.

 

Ce battage ne me touche pas.

 

Des catastrophes humaines ou naturelles, il y en a toujours eu, mais aujourd’hui, tout est prétexte à émotion, et, forcément, à publicité et à fric, et c’est trop.

 

Mon émotion est aussi forte et aussi réelle que celle de tout le monde. Mais mon émotion m’appartient et je n’ai aucune envie de l’étaler ou de m’en servir.

 

Et cette émotion n’est d’aucune utilité pratique pour ceux qui sont vraiment utiles, les secouristes ou les pompiers.

 

©Sergio Belluz, 2019, le journal vagabond (2018)

 

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26/04/2019
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