sergiobelluz

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Oriana Fallaci, sur l’amour.

« Si je l’aimais ? Un jour, toi et moi on devra discuter de cette chose qu’on nomme amour. Parce qu’honnêtement, je n’ai pas encore compris de quoi il s’agit. J’ai le soupçon qu’il s’agit d’une gigantesque tromperie, inventée pour que les gens se conduisent bien et pour les distraire. Ceux qui parlent d’amour, ce sont les prêtres, les affiches publicitaires, les lettrés, les politiciens, ceux qui font l’amour, et, en parlant d’amour, en le présentant comme la panacée de toute tragédie, blessent, trahissent et tuent l’âme et le corps. Je le déteste, ce mot qu’on trouve partout et dans toutes les langues. J’aime-marcher, j’aime-boire, j’aime-fumer, j’aime-la-liberté, j’aime-mon-amant, j’aime-mon-fils. J’essaie de ne jamais l’employer, de ne même pas me demander si ce qui dérange mon esprit et mon coeur est cette chose qu’on appelle amour. D’ailleurs, je ne sais pas si je t’aime. Je ne pense pas en termes d’amour. Je pense à toi en termes de vie. Et ton père, je vais te dire : plus j’y pense, plus je crois que je ne l’ai jamais aimé. Je l’ai admiré, je l’ai désiré, mais aimé, non. De même que ceux qui sont venus avant lui, fantômes d’une recherche toujours déçue. Déçue ? Ça a quand même servi à quelque chose, après tout : à comprendre que rien ne menace plus ta liberté que ce mystérieux transport qu’une créature éprouve pour une autre créature, par exemple un homme pour une femme, ou une femme pour un homme. Il n’y a pas de liens ni de barreaux qui contraignent à un esclavage plus aveugle, à un oubli tout aussi aveugle de tes droits, de ta dignité, de ta liberté. Gare à toi si tu te donne à quelqu’un au nom de ce transport. Comme un chien qui se débat dans l’eau, tu cherches en vain à rejoindre une rive qui n’existe pas, la rive qui a pour nom Aimer et Être Aimé, et tu finis neutralisé, moqué, déçu. Dans le meilleur des cas, tu finis par te demander qu’est-ce qui t’avait poussé à te lancer à l’eau : le mécontentement de toi-même, l’espoir de trouver dans un autre ce que tu ne voyais pas en toi ? La peur de la solitude, de l’ennui, du silence ? Le besoin de posséder et d’être possédé ? Selon certains, c’est ça, l’amour. Mais je crains que ce soit bien moins que ça : une faim qui, une fois rassasiée, te laisse une sorte d’indigestion. Et pourtant, pourtant, il doit bien y avoir quelque chose qui puisse me révéler la signification de ce mot maudit, mon enfant. Il doit bien y avoir quelque chose qui puisse me faire découvrir ce que c’est, et que ça existe. J’ai ai si besoin, j’en ai si faim. Et c’est à ce besoin que je pense : peut-être que c’est vrai ce qu’a toujours soutenu ma mère. L’amour, c’est ce qu’une femme ressent pour son fils quand elle le prend dans ses bras et le sens seul, innocent, sans défense. Au moins, tant qu’il est innocent, sans défense, lui il ne t’insulte pas, il ne te trompe pas. Et si c’était à toi de découvrir le sens de ces cinq lettres absurdes ? Oui, à toi, qui me voles à moi-même et me suce le sang et me respire la respiration ? »

 

Oriana Fallaci, Lettera a un bambino mai nato (Milano : Rizzoli, 1975), ma traduction.

 

 

1975 Fallaci Oriana Lettera.jpg

 

L’original :

 

« Lo amavo ? Un giorno io e te dovremo discutere un poco su questa faccenda chiamata amore. Perché, onestamente, non ho ancora capito di cosa si tratti. Il mio sospetto è che si tratti di un imbroglio gigantesco, inventato per tener buona la gente e distrarla. Di amore parlano i preti, i cartelloni pubblicitari, i letterati, i politici, coloro che fanno all’amore, e parlando di amore, presentandolo comme toccasana di ogni tragedia, feriscono e tradiscono e ammazzano l’anima e il corpo. Io la odio questa parola che è ovunque e in tutte le lingue. Amo-camminare, amo-bere, amo-fumare, amo-la-libertà, amo-il-mio-amante, amo-mio-figlio. Io cerco di non usarla mai, di non chiedermi nemmeno se ciò che turba la mia mente e il mio cuore è la cosa che chiamano amore. Infatti non so se ti amo. Non penso a te in termini di amore. Penso a te in termini di vita. E tuo padre, guarda : più ci penso, più credo di non averlo mai amato. L’ho ammirato, l’ho desiderato, ma amato no. Così coloro che vennero prima di lui, fantasmi deludenti di una ricerca sempre fallita. Fallita ? A qualcosa servì, dopotutto : a capire che nulla minaccia la tua libertà quanto il misterioso trasporto che una creatura prova verso un’altra creatura, ad esempio un uomo verso una donna, o una donna verso un uomo. Non vi sono né cinghie né catene sbarre che costringano a una schiavitù più cieca, a un oblio altrettanto cieco dei tuoi diritti, della tua dignità, della tua libertà. Guai se ti regali a qualcuno in nome di quel trasporto. Come un cane che annaspa nell’acqua cerchi invano di raggiungere una riva che non esiste, la riva che ha nome Amare ed Essere Amato, e finisci neutralizzato deriso deluso. Nel caso migliore finisci col chiederti cosa ti spinse a buttarti nell’acqua : lo scontento di te stesso, la speranza di trovare in un altro ciò che non vedevi in te stesso ? La paura della solitudine, della noia, del silenzio ? Il bisogno di possedere ed essere posseduto ? Secondo alcuni è questo l’amore. Ma io temo che sia molto meno : una fame che, una volta saziata, ti lascia una specie di indigestione. E tuttavia, tuttavia, deve pur esserci qualcosa in grado di rivelarmi il significato di quella maledetta parola, bambino. Deve pur esserci qualcosa in grado di farmi scoprire cos’è, e che c’è. Ne ho tanto bisogno, tanta fame. Ed è in questo bisogno che penso : forse è vero ciò che ha sempre sostenuto mia madre. L’amore è ciò che una donna sente per suo figlio quando lo prende tra le braccia e lo sente solo, inerme, indifeso. Almeno fino a quando è inerme, indifeso, lui non ti insulta, non ti delude. E se toccasse a te farmi scoprire il significato di quelle cinque lettere assurde ? Proprio a te che mi rubi a me stessa e mi succhi il sangue e mi respiri il respiro ? »



14/12/2015
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