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Quelques mots d’humour (Tristan Bernard, Les Frères Ennemis et Michel Berger)

Moi qui suis un amoureux de l’écriture et du théâtre, et donc des mots, et donc des jeux de mots et donc des mots croisés, j’ai toujours aimé l’humour linguistique et très sophistiqué malgré les apparences du duo Les Frères Ennemis – Teddy Vrignault et André Gaillard à la ville – qui, dans un de leur sketch, par exemple, vont lancer des choses du style :

 

- C'est comme moi, mon père est parti de la maison pour chercher du beurre, et il n'est jamais revenu

- Ah bon? dit l'autre, mais zalors, qu'a fait Mâdâme votre mère?

- Et bien elle a fait la cuisine à l'huile.

 

Ça va au delà du simple jeu de mots, l’astuce linguistique et l’humour ne fonctionnant que parce qu’on suit une logique traditionnelle que le résultat final contredit en mettant l’accent sur une autre logique pourtant tout aussi présente dans ce qui est dit.

 

 

Les Frères Ennemis, c’est la quintessence des mots croisés dans le sens littéral du terme. Tous leurs sketches sont des mots croisés, certains encore plus que d’autres, comme cette suite d’échanges que je cite de mémoire :

 

L'un: « Animal lubrique »

L'autre: Non, je n'vois pas

L'un: C'est « loup ».

L'autre: "Ah bon? Mais pourquoi "loup"?

L'un: "Parce que « loup voyeur »

L'autre: Bien sûr, bien sûr.

L'Un: Et celle-là « animal édulcorant » ?

L'autre: Je donne ma langue au chat.

L'an: « Lapin », parce que « lapin, ça sucre ».

L'autre: Ah, c'est bien vu.

L'un : Et celle-là: « Animal qui permet de se vêtir » ?

L'autre: Le vison?

L’un : Nan.

L'autre: L'astrakan?

L’un : Nan.

L'autre: Ah, je sais: l'ours.

L’un : Mais non, pas l'ours! C'est « lapin »

L'autre: Quoi? Encore « lapin », mais pourquoi?

L’un : Parce que « lapin » ça linge

L'autre: Ah, c'est subtil, hein?

 

Pour qui connaît sa littérature de second rang – souvent bien plus passionnante et plus drôle que celle de la prétendue Grande Littérature avec pleins de majuscules – impossible de ne pas penser au facétieux et brillantissime Tristan Bernard (1866-1947), un peu trop oublié aujourd’hui alors qu’il arrive encore à nous faire rire avec des remarques du style :

 

Un paresseux est un homme qui ne fait pas semblant de travailler.

 

ou encore, pastichant Les Deux Pigeons de La Fontaine :

 

Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre.

Moralité :

L’un deux s’ennuyait au logis.

 

Évoquant Victor Hugo, qui était, comme lui, né à Besançon, dans la Grande-Rue, il faisait remarquer, modeste, qu’Hugo était né au 138 alors que lui n’était né qu’au 23.

 

Tristan Bernard.jpg

 

Pour en revenir aux mots croisés, on a oublié, et c’est dommage, que Tristan Bernard est l’un des inventeurs du mot croisé à astuce, du mot croisé humoristique, de celui qu’on trouve encore aujourd’hui dans des magazines très sérieux comme Le Point, du mot croisé qui donne du fil à retordre à cause de ses définitions à se tordre :

 

Moins cher quand il est droit

Réponse : Piano

 

Signe rarement ses rapports

Réponse : On

 

Muet de naissance

Réponse : Cinéma

 

On le consulte, car il est capable de réflexion

Réponse : Miroir

 

Évitait d’emprunter l’escalier.

Réponse : Roméo

 

Arrive assez souvent au dernier acte

Réponse : Notaire

 

Et comme en France, tout finit par des chansons – ce n’est pas moi qui le dit mais bien Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro – citons aussi, en conclusion à cette déclaration d’amour aux mots et à l’humour, une très belle chanson de Michel Berger à qui il manquait ce petit coup de pouce pour rejoindre la famille de ceux qui aiment rire et qui aiment faire rire :

 

De mon village, capitale

Où l'air chaud peut être glacial

Où des millions de gens

Se connaissent si mal

Je t'envoie comme un papillon

À une étoile

Quelques mots d'humour

 

©Sergio Belluz, 2022, le journal vagabond (2022)



26/04/2022
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