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Racine ou l'élégance perverse

Tous ces soirs, je relis Britannicus  de Racine, et regrette à chaque fois de ne pas le savoir par cœur, tant cette langue est étonnante de rigueur et de souplesse à la fois : une musique, un air d’opéra, que je lis de la même manière que je le chanterais, sur le souffle, faisant se succéder les vers sur une seule respiration, les coupant pour respirer en faisant de la coupure un accent dramatique et expressif, utilisant la coupure pour caractériser un personnage et son débit et son état d’âme.

 

Je suis aussi frappé, en le lisant à haute voix et en respectant la prosodie et les accents, combien cette langue est élégante et puissante, rien d’inutile, rien de posé, un naturel sophistiqué et insidieux et noble à la fois, où le maintien, la rigidité aristocratique des personnages le dispute à la violence des passions, ce contraste si efficace entre une langue élégante et une cruauté sans limite.

 

Une cruauté élégante qu’on retrouve dans toute une partie de cette littérature des XVIIe et XVIIIe siècle qui nous a donné les plus beaux exemples de ce qu’on peut en faire : Manon Lescaut  de l’Abbé Prévost ou Les Liaisons dangereuses de Laclos, mais aussi La Fontaine dans certaines de ses Fables (je pense au Loup et l’Agneau), ou Perrault dans certains de ses contes (Barbe-Bleue, par exemple) – sans compter Saint-Simon dans le cancan vachard ou Voltaire dans sa Correspondance faussement aimable...

 

Le Romantisme, dans sa prétention de sincérité, parait bien adolescent à côté, avec son lyrisme, sa surenchère dans l’émotion exprimée, dans le sentimental, dans le pleurnichard et dans l’adjectif démultiplié (et en est-on tout à fait sorti ?).

 

©Sergio Belluz, 2018,  le journal vagabond (2018).

 

 

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06/07/2018
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