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Rifkin’s Festival et festival Woody Allen en prime

J’ai eu le plaisir de voir, hier soir, masqué et dans une salle clairsemée pour cause de mesures sanitaires, le drôlissime Rifkin’s Festival (2020), le tout dernier opus de Woody Allen qui, à ses 85 ans, en est à son 55e film et prouve qu’il a gardé sa verve et son ingéniosité proverbiales.

 

Car quoi de plus drôle et de plus cohérent à la fois que l’histoire du personnage principal – joué par Wallace Shawn, un double parfait, verbalement, de Woody Allen, avec un léger zozotement qui accentue son côté gauche et perdu dans la vie – ce Rifkin, intellectuel juif newyorkais, vieux critique de cinéma, admirateur du cinéma européen, qui accompagne son épouse beaucoup plus jeune (Gina Gershon), chargée de relations publiques au festival international du cinéma de San Sebastián, au pays basque espagnol, où elle s’occupe personnellement, et dans tous les sens du terme, d’un jeune cinéaste français à la mode (Louis Garrel) avec qui elle a une histoire d’amour, ou une coucherie, selon le point de vue ?

2020 Allen Woody Rifkin's Festival.jpg

 

Le récit, sur fond musical enjoué style vieux jazz manouche à la Django Reinhardt (on est en Espagne, après tout), est raconté et vu par les yeux du critique newyorkais, qui, au début et à la fin, raconte à un journaliste « son » festival – d’où le titre très astucieux de Rifkin’s Festival, car c’est à la fois le festival de cinéma, mais aussi le propre cinéma du protagoniste dans ses aventures comme dans ses fantasmes – qu’ensuite nous voyons se dérouler, avec les péripéties amoureuses des deux parties du couple, qui sont illustrées par les rêveries du narrateur sous forme d’hilarants pastiches de cinéma qui illustrent ce que ressent Rifkin à chaque étape et dont il joue à chaque fois un des personnages principaux.

 

DU PASTICHE EN VEUX-TU EN VOILÀ

 

C’est d’une logique absolue, car en somme, est-ce qu’un critique de cinéma ne va pas imaginer sa vie à travers les films qu’il a aimés ?

 

Dans les pastiches – toujours en noir et blanc pour des classiques qui l’étaient à l’origine, alors que le reste du film est en couleur - on passe d’une scène d’anthologie à une autre au gré des péripéties.

 

On a droit au tout début de Citizen Kane de Welles, dont le personnage, sur son lit de mort, laisse tomber une boule de verre en murmurant « Rose Budsky » (une petite copine de Rifkin quand il était gosse), à Jules et Jim  de Truffaut (avec le jeune réalisateur français amant de la femme de Rifkin, et lui-même, en pull a raies et pas chaud pour un trio, on s’en doute), en passant par la scène de lit d’À bout de souffle de Godard (Rifkin dans le rôle de Belmondo), aux bourgeois bloqués à la sortie de la salle à manger dans L’Ange exterminateur de Buñuel, à la garden party de 8 1/2 de Fellini, aux grandes conversations de table de Sourires d’une nuit d’été ainsi qu'à la célébrissime partie d’échec avec la Mort du Septième Sceau, ces deux derniers du grand Bergman...

 

Ce film rejoint les chefs-d’œuvre de la veine pasticheuses – de films, de télévision, de radio... – de Woody Allen, avec, entre autres, Comédie érotique d’une nuit d’été (1982), Zelig (1983), La Rose Pourpre du Caire (1985), Radio Days (1987), Crimes et délits (1989), Coups de feu sur Broadway (1994), Tout le monde dit I Love You (1997), Celebrity (1998), Accords et Désaccords (1999), Hollywood Ending (2002), Melinda et Melinda (2004), Whatever Works (2009) ou encore Minuit à Paris (2011).

 

C’est drôle, c’est décalé, c’est sophistiqué, c’est ingénieux, on fait des ballades automnales dans la superbe ville de San Sebastián et l’on s’amuse du début à la fin avec ce subtil et drolatique hommage aux grands classiques du cinéma européen.

 

©Sergio Belluz, 2020,  le journal vagabond (2020).

 

Rifkin's Festival: la bande annonce en v.o.

 


 

 



09/10/2020
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