sergiobelluz

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* Charles Ferdinand Ramuz *


Charles Ferdinand Ramuz parolier: 'Tilim Bom'

'TILIM BOM' (1917)

 

Musique du compositeur russe Igor Stravinsky (1882-1971)

 

Tiré de Trois histoires pour enfants

 

Adaptation française de Charles Ferdinand Ramuz

 


 

Sergio Belluz (baryton) et Ioana Primus Andrei (piano)

Enregistrement public, Théâtre de l'Octogone, Pully, 1994

Illustrations: Marc Chagall, scènes de vie à Vitebsk 

 

 

Tilim-Bom,
Tilim-Bom,
C'est la cloche du feu qui sonne.

 

Chez la chèvre il brûle,
On l'entend qui hurle.

 

La chèvre a couru dehors
Et la cloche sonne plus fort.

 

Qui la sonne?
C'est le chat,
Il s'y pend par les deux bras.

 

Tilim-Bom,
Tilim-Bom,
Faut venir quand on vous sonne.

 

Vient la poule avec un seau
Et l'a plongé dans l'eau;

 

Monsieur coq court derrière elle,
Avec une grande échelle;

 

Et, le bouc,
Il grogne:

"Tout ce bruit m'assomme
Tilim-Bom,
Tilim-Bom,
Moi je n'y suis pour personne."

 

Chez la chèvre il brûle,
On l'entend qui hurle.

 

Les gens courent tous dehors
Et la cloche sonne plus fort.

 

Qui la sonne?
Ce n'est plus le chat,
Les gens la sonnent à tour de bras.

 

Tilim-Bom,
Tilim-Bom!

"Venez vite,
on vous sonne!"

 

Monsieur coq avec la poule,
La chèvre et le chat
Se sont assis tous en rond
Et reprennent la chanson.

 

Tilim-Bom,
Tilim-Bom!

Qu'on éteigne la maison!

 

stravinsky.jpg

 

Ramuz et Stravinsky



 

 


22/07/2019
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Charles Ferdinand Ramuz parolier: 'L'Ours, petite histoire avec une chanson'

'L'OURS, PETITE HISTOIRE AVEC UNE CHANSON' (1917)

 

Musique du compositeur russe Igor Stravinsky (1882-1971)

 

Tiré de Trois histoires pour enfants

 

Adaptation française de Charles Ferdinand Ramuz

 


 

Robert Bouvier (comédien), Sergio Belluz (baryton) et Ioana Primus Andrei (piano)

Enregistrement public, Théâtre de l'Octogone, Pully, 1994

Illustrations: oeuvres de Natalia Nikolaïevna Gontcharova

 

 

(texte parlé)

 

Il y avait dans le temps
Un vieux et une vieille qui n'avaient pas d'enfants.

 

La vieille a dit au vieux: "Va me chercher du bois."
"On y va" dit le vieux, et le vieux dit qu'il y va.

 

Et en effet il y va, rencontre l'ours, l'ours: "Tiens, c'est toi!
On te connaît. Veux-tu lutter avec moi?"

 

Le vieux a pris une hache, lui a coupé la patte.

 

Voilà que le vieux s'en revient et il tient la patte à la main:
"C'est un bon dîner pour demain."

 

La vieille râcle, frotte, nettoie.


L'ours n'est pas content,

Il a été se laver dans le ruisseau,
Il s'est fait une patte en bouleau.

 

Puis il est venu devant chez le vieux,
Et il chante à la vieille, au vieux:

 

(texte chanté)

 

Grince,
Grince,
Grince patte en bouleau.

Dedans,
Dehors,
Gens et choses, tout dort.

Gens et choses,
Tout qui repose...

Seule, sans vergogne,
Dort pas, râcle, grogne,
Est à sa besogne,
La vieille charogne.

Grince,
Grince,
Grince patte en bouleau.

 

(texte parlé)

 

Sous le pétrin renversé
Le vieux s'est ensauvé;


Sous les chemises sales la vieille a été se cacher;
Dans la maison l'ours est entré.

 

Sous le pétrin renversé
Les dents du vieux se sont mises à claquer;


Sous les chemises sales

La vieille s'est mise à tousser.

 

L'ours les a trouvés,
L'ours les a mangés.

 

644.jpg

 

Ramuz et Stravinsky

 

 


22/07/2019
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Quand Charles Ferdinand Ramuz raconte l’inondation de Paris de 1910

Je relisais le magnifique ‘Journal de Ramuz : quelle merveille ! Souvent poignant (jusqu’au bout il aura des doutes sur son travail), mais aussi plein d’observations très justes sur l’écriture et sur sa vie, en une sorte de continuelle recherche. Et puis une écriture qui me touche beaucoup plus que celle de ses romans : il ne cherche qu’à transcrire ses impressions de la manière la plus précise, sans chercher à atteindre un effet quelconque.

 

Certains textes de ce ‘Journal sont des petites merveilles, par exemple la partie intitulée ‘Journal de ces temps difficiles’ sur le début de la guerre de 14-18, mais aussi ce reportage extraordinaire sur la grande inondation de Paris en 1910 :

 

« 27 janvier 1910. Inondations.

 

On ne voit pas d’abord que le niveau de l’eau ait monté, tellement on a vite oublié l’ordinaire étroitesse du fleuve et la profondeur de ses quais ; puis, tout à coup, il y a la péniche qu’on aperçoit de loin à la hauteur du mur où sont les boîtes du bouquiniste ; il y a ces bains dont le palmier de tôle découpée dépasse de beaucoup le parapet du pont ; il y a les troncs des gros trembles enfoncés jusqu’aux basses branches dans le courant ; et ces arches des ponts dont on ne voit plus que le haut du cintre, enfin la couleur de cette eau, sa violence et ses remous, plus que sa largeur encore ; et tout à coup la conscience vient, accablante, de la toute-puissance du fléau. L’homme soudain rapetissé ; l’homme pas même gênant tellement il en devient insignifiant ; et qui borde les quais d’une double haie mouvante comme un cortège du mardi gras ; le centre de l’intérêt est transporté, hors de la vie journalière et trompeuse de la ville, vers les grandes forces éternelles cachées qui se découvrent brusquement ainsi, et ont paru un instant écartées, mais se révèlent toujours présentes. Des troncs, des tonneaux, des bouchons, toute sorte de branchages et d’herbages qui se heurtent ou s’enroulent aux piles des ponts ; le roulement de ce flot sur lui-même ; et tout cela contenu encore, mais on dirait parce qu’il le veut bien ; et s’il lui plaisait de s’élever...

 

Voilà qu’il s’est élevé aujourd’hui. Les égouts ont crevé. Quai des Grands-Augustins, les bateaux : une partie de plaisir. Rue de Seine, rue Jacob. Plus loin, rue de Verneuil. La foule qui s’agite en tous sens maladroitement. Les petits soldats, le fusil sur l’épaule. Boulevard Saint-Germain, la prolonge d’artillerie. La dame qui s’évanouit, qui tombe sur le nez et a tout à coup une barbe rouge. Le bel officier sur la prolonge qui discourt avec des gestes arrondis du bras devant le groupe des personnes qui attendent. Un peuple avant tout discoureur. Il explique ce qu’il va faire, avant d’agir. D’ailleurs beaucoup de bonne humeur ; et cela rachète tout ; c’est un signe de vitalité.

 

28 janvier 1910

 

Il y aura de la déception chez tout ce monde, lorsque la Seine baissera, parce que c’était un spectacle.

 

J’ai été de nouveau voir l’inondation. Elle gagne. La rue Bonaparte, à son tour, est envahie. On ne circule plus qu’en barque boulevard Saint-Germain. Et au soleil et au froid sec d’hier succèdent aujourd’hui la pluie et un ciel bas. Alors, d’un même mouvement et parallèlement, à la bonne humeur d’hier succèdent chez les hommes la tristesse, et déjà presque de la peur. Cette pluie de nouveau, une nouvelle crue probable ; on ne voit pas où le mal va s’arrêter. Cette peur on la sent qui monte, elle est sur les visages et dans les gestes ; que la Seine croisse encore, ce sera l’affolement. L’esprit des foules : quelque chose de mystérieux. Cela gagne dans Paris loin des quartiers qui sont sous l’eau, et jusqu’aux plus extérieurs dont hier encore l’aspect n’était en rien changé ; les soldats dans les rues, les voitures du train, l’enchérissement du beurre et des oeufs, mille petits indices qu’on ne perçoit pas séparément, mais dont l’ensemble compose une atmosphère particulière, qui se respire comme l’air et à laquelle nul n’échappe. Je voulais travailler ce soir, je n’ai presque rien fait. »

 

Charles Ferdinand Ramuz, Journal (Paris : Grasset, 1945)

 

 

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16/06/2016
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