'Il Re Pastore' de Mozart: l’Opéra de chambre de Genève se met au vert!
IL RE PASTORE, OPÉRA CHAMPÊTRE
Un enchantement, dans le sens littéral et vocal du terme, ce Re Pastore de Mozart sous la direction toujours précise et raffinée de Franco Trinca, le chef d’orchestre qui assure aussi les récitatifs ‘secs’ au clavecin avec sa maestria coutumière : comme à chaque production de l’ Opéra de Chambre de Genève depuis plus de 40 ans maintenant, le manque de moyens fait qu’on simplifie au maximum la mise en scène et la scénographie, qui sont amplement compensés par un travail musical, vocal et scénique intelligent et sophistiqué. Les chanteurs étaient tous à la hauteur et la production enlevée et juste. J’ai toujours un immense plaisir aux productions originales de cette institution de la vie musicale genevoise : j’y retrouve ce que l’opéra et le théâtre étaient à leurs débuts : des tréteaux.
Une curieuse pièce que ce Re Pastore version Mozart, puisqu’il s’agit en réalité du remake d’un opéra de Felice Giardini en trois actes sur un texte de Métastase, l’increvable librettiste de l'époque. Un Mozart de 19 ans a ramassé tout ça en deux actes à l’occasion de la venue de l’archiduc Maximilien, le fils cadet de l’impératrice Marie-Thérèse le 23 avril 1775, ce qui explique peut-être sa distribution vocale assez surprenante (aucune basse, 2 ténors, 1 castrat et 2 soprani) qui doit sûrement beaucoup aux chanteurs disponibles au moment de l’exécution de cet « opéra de concert » (il n’était pas prévu pour la scène).
TOUT FLATTEUR...
Pièce de circonstance, donc, et réflexion flatteuse sur ce qu’est le pouvoir éclairé d’un empereur, personnifié ici par Alexandre le Grand, venant chercher le berger Aminta (qui n’est autre qu’un vrai prince placé en douce chez des paysans) pour lui offrir une satrapie de son vaste empire, à condition qu’il épouse la fille du despote local qu’il a évidemment assassiné. Or le roi-berger Aminta s’est fait aux mœurs rurales – un idéal factice de l’époque, la nature-jardin étant signe de sagesse… – et aime la bergère Elisa qui se battra jusqu’au bout pour le garder, et convaincra Alexandre.
Celui-ci, magnanime, autorisera ce mariage, et arrangera le coup pour que son chambellan épouse la princesse dont il est secrètement amoureux. Tout s’arrange - on imagine que l’archiduc Maximilien a dû se sentir flatté d’être comparé à Alexandre le Grand.
Une œuvre de jeunesse qui, déjà, contient cette douce profondeur de Mozart, encore retenue dans les conventions théâtrales de l’époque – plus tard, c’est surtout avec Lorenzo Da Ponte, librettiste de génie, que Mozart pourra donner le meilleur de lui-même à l’opéra, dans la trilogie Don Giovanni, Le Nozze di Figaro et Così fan tutte.
IL PLEUT BERGÈRE, ALLONS À L'ALHAMBRA
Vu les risques d’orage, ce n’était pas dans la traditionnelle et magnifique Cour de l’Hôtel de Ville que cette production était présentée mais au tout aussi magnifique Théâtre de l’Alhambra juste en dessous.
À nouveau, bonne production, avec un décor simple, une façade d’une forteresse modulable, un arbre stylisé, et les chanteurs, habillés en contemporain, mais en contemporain adéquat : le roi-berger Aminta, un rôle écrit pour castrat, ici interprété en salopette par la pétulante Bianca Tognocchi, (mezzo sopranisante qu’on verrait bien dans certains opéras-bouffe du jeune Rossini), sa bergère Elisa (Amelia Scicolone, superbe soprano) en talons hauts jaunes et jupe imprimée à fleurs, la princesse Tamiri (Carole Meyer, soprano glamour, tant vocalement que visuellement), et Alexandre le Grand ( le ténor Valerio Contaldo) et son grand chambellan Agenor (le ténor Manuel Nuñez Camelino) en complets vestons noirs qui siéent à l’expression de l’autorité impériale, ne fût-ce que par contraste.
Encore bravo à l’excellent travail musicologique de l’Opéra de Chambre de Genève qui, année après année, fait redécouvrir ces œuvres magnifiques négligées par les grandes maisons.
©Sergio Belluz, 2017, le journal vagabond (2017).
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