Le mieux (ou pas), bis: 'Words, words, words' écrivait Shakespeare
Les traducteurs et tous ceux qui travaillent avec plusieurs langues le savent : utiliser Microsoft Office, et Word en particulier, avec ses corrections automatiques configurées et liées à un dictionnaire dans une langue par défaut est une vraie gageure quand on passe d’une langue à l’autre ou quand on rédige un texte contenant des extraits d’autres langues.
C’est d’ailleurs le même casse-tête depuis un smartphone, lorsqu’on communique avec différents interlocuteurs dans différentes langues, car le correcteur par défaut récrit ce que vous venez de rédiger selon la langue présélectionnée, et on se retrouve à envoyer, au final, des SMS ou des messages whatsapp bourrés de fautes qui ne sont pas toutes à mettre sur le compte d’un gros doigt maladroit appuyant sur la mauvaise lettre (il y aurait aussi beaucoup à dire au sujet de ces claviers où c’est toujours la lettre d’à côté qui sort quand on en vise une autre).
Ces difficultés sont liées, pour une bonne part, aux conventions typographiques de chaque langue.
Par exemple, en français, en allemand, en italien ou en anglais, l’usage et la façon de présenter les guillemets varie complètement d’une langue à l’autre : le français utilise les « doubles chevrons », l’allemand met une double virgule en bas avant et conclut ensuite par une autre double virgule en haut, l’italien utilise les chevrons à la française pour les citations mais les doubles apostrophes à l’américaine pour mettre un mot en exergue et l’anglo-américain oscille selon les contextes entre les deux virgules en haut, simples ou doublées, encadrant la phrase ou le mot.
De même, il y a des variations irrationnelles liées aux ponctuations et aux espaces qui suivent les ponctuations : virgule ou pas après une incise encadrée par des tirets dans une phrase – le français met la virgule après, pas l’anglais (comme vous pourrez le constater à la fin de cette incise) –, simple ou double espace avant ou après les points-virgules ou les deux points.
Concrètement, en temps que professionnel de l’écriture et des langues, et que ce soit sur smartphone ou sur ordinateur, on passe son temps à chercher dans les différents menus – les dictionnaires par défaut et les corrections automatiques sont éparpillées sans cohérence dans de multiples menus et sous-menus aux logiques et aux titres mystérieux –, pour « décocher » toutes les fonctions par défaut et, en tant que spécialiste avec réputation, s’éviter des résultats catastrophiques et humiliants dans des textes professionnels ou publics.
La difficulté se corse encore après chaque nouvelle version des applications, qui, il faut aussi le dire, ne sont pas nécessairement des améliorations de la précédente, malgré tout le boniment dont sont capables les services marketing des grandes entreprises informatiques.
Prenons la nouvelle version de Word, et notamment la fonction « Tableau » : vous voulez faire un tableau avec des lignes et des colonnes. Dans l’ancienne version de Word, il y avait un menu « Tableau/Insérer », on choisissait ensuite le tableau, pour moi, le « classique », transparent – les lignes et colonnes apparaissent à l’écriture mais pas à l’impression –, et le tour était joué.
Maintenant, le menu « Tableau » n’existe plus, on doit aller sur un menu « Mise en page », puis on doit choisir « Tableau » (il y a toute une liste dans laquelle on ne trouve plus le « classique »), et il faut ensuite aller sur une autre icone/fonction et choisir une option « effacer les bordures ».
De même, sur l’ancienne version de Word, il y avait une fonction symbolisée par une loupe qui permettait de visualiser la page sur laquelle on était en train de travailler juste avant l’impression, et de corriger l’original au fur et à mesure. Maintenant, il faut aller d’abord dans le volet « Imprimer » pour que le texte se visualise avant impression, puis revenir à la page de départ pour faire les éventuelles corrections.
On nous fait toujours croire, pour nous vendre à chaque fois un nouveau produit, qu’il y a des améliorations, comptant sur le fait, avéré, qu’une fois qu’on a une nouvelle version, on ne se souvient plus de l’ancienne.
Et bien ce n’est pas vrai en tout. Moi qui travaille, par économie, sur des fichiers .doc (Word 2003) à la maison, et sur Word 2007 dans d’autres contextes, je vois très bien ce qui change, et ce n’est pas forcément mieux.
Il y a même des bugs idiots qui se rajoutent, du genre : dans les dernières versions de Word, quand on met trois astérisques qui se suivent sur une ligne et qu’on fait un retour de ligne, les trois astérisques se changent automatiquement en une ligne de points intempestive. Pour s’en débarrasser, il faut supprimer cette fonction par défaut dans le menu « option de style automatique ».
En somme, si le mieux est l’ami (très rentable) de l’entreprise informatique, il reste souvent l’ennemi du bien du consommateur pris en otage et qui peut choisir de s’accrocher à des anciennes versions, dont il sait, malheureusement, qu’à partir d'une certaine date elles ne seront plus compatibles avec les nouvelles, ce qui va le forcer, à plus ou moins court terme, à se mettre à jour.
Business is business.
©Sergio Belluz, 2019, le journal vagabond (2018).
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