‘Miseria e Nobiltà’ : le cinéma italien dans toute sa noblesse populaire
Mario Mattoli, le metteur en scène, a eu l’ingénieuse idée, pour Miseria e Nobiltà (‘Misère et Noblesse’, 1954), d’encadrer – littéralement – le texte de la pièce du grand dramaturge napolitain Scarpetta au début et à la fin : le film commence avec une soirée au théâtre, à Naples, le rideau s’ouvre et le film commence, et se termine avec les protagonistes qui saluent le public du théâtre.
C’est tout simple, c’est de très bon goût, et c’est même subtil.
Ensuite, le texte de Scarpetta est une merveille et c’est incompréhensible pour moi que d’aussi magnifiques dramaturges – je pense aussi, bien sûr, au grand Eduardo De Filipppo – soient si rarement joués chez nous.
Est-ce que c’est une question de traduction ? De droits d’auteur ? Est-ce que ça tient à des préjugés tenaces qui feraient qu’une comédie italienne est forcément superficielle ?
En l’occurrence, la pièce et le film traitent de la valeur de chacun, qu’on soit riche ou pauvre, noble ou roturier : des pauvres se font passer pour des aristocrates afin d'aider des nobles dont certains sont très désargentés, et le plus riche, dans tout ça, est un cuisinier qui a hérité une fortune de son ancien patron.
D’où le titre Miseria e Nobiltà, ‘Misère et Noblesse’.
Évidemment, on rit aux éclats à cette famille pauvre qui doit se débrouiller pour manger – Totò est écrivain public, et dépend d’illettrés pour acheter une pizza, son compagnon d’infortune est photographe à la petite semaine.
Quand on demande à ces gens de se faire passer pour des nobles afin de rendre service à un couple dont le jeune homme est aristocrate mais dont le père refuse qu’il se marie à une danseuse (une toute jeune Sophia Loren), c’est évidemment le regard des gens modestes sur la noblesse, lesdits gens pauvres se prenant au jeu, d’autant qu’ainsi ils accèdent à de la nourriture inespérée et raffinée.
Une verve extraordinaire, un rythme soutenu, des scènes d’anthologie, et cette drôlerie fantasque et triste à la fois de la comédie napolitaine...
Quel dommage, vraiment, que nos élites théâtrales ne soient pas capables de rire – et de rire d’eux-mêmes en premier.
©Sergio Belluz, 2019, le journal vagabond (2018).
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