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Avec le pianiste Laurent Martin, les compositrices ont la touche

Le Français Laurent Martin, pianiste exquis et musicologue émérite spécialisé dans le répertoire du XIXe dont il est un des grands artisans du renouveau – on ne compte plus ses enregistrements, ni les récompenses, dont un Diapason d’Or en 2010 – démontre à chacun de ses récitals combien les artistes femmes, les musiciennes parmi elles, ont été terriblement sous-estimées non seulement dans tous les ouvrages de musique, mais aussi chez les éditeurs de partitions.

 

On se dit que la critique musicale est non seulement à majorité masculine, mais à majorité macho.

 

C’est ce que prouvait à nouveau son superbe et passionnant récital dimanche 18 novembre à la salle de concert de l’École de Musique Atempy à Yverdon-les-Bains autour des grandes compositrices françaises, depuis la pré-romantique Hélène de Montgeroult, jusqu’aux modernes Armande de Polignac et Blanche Selva, en passant par les compositrices fin-de-siècle Cécile Chaminade et Mel Bonis.

 

D’Hélène de Mongeroult (1764-1836), Laurent Martin nous a fait entendre six Études absolument extraordinaires d’inventivité, d’intelligence et de musicalité.

 

D’Armande de Polignac (1876-1962), nièce des célèbres mécènes Winetta et Edmond de Polignac - commanditaires éclairés du Renard de Stravinsky (sur une adaptation de Ramuz), du Socrate de Satie ou du célèbre Concerto pour deux pianos de Poulenc – on a pu apprécier, surprenants dans leur variété, les six Préludes, ainsi qu’un magnifique Nocturne, inédit à ce jour, et que nous avons eu le privilège d’entendre en avant-première.

 

Évidemment, la charmante et charmeuse Cécile Chaminade (1857-1944) a enchanté tout son (beau) monde, en particulier sa Lisonjera (La Flatteuse) telle une habanera habillée en Worth, Doucet ou Lanvin, qui a dû faire les délices des grands salons bourgeois où se produisait la pianiste-compositrice.

 

Pour ce qui est de Blanche Selva (1884-1942), qui a été une célèbre pianiste de concert (des enregistrements ont été récemment réédités) et une pédagogue de renom, ses deux compositions intitulées Cloches au soleil  et Cloches dans la brume sont épatantes de recherche formelle et d’expression.

 

La dernière compositrice que nous a présentée Laurent Martin est Mel Bonis, de son vrai nom Mélanie Hélène Bonis (1858-1937), dont il a joué une tendre Berceuse dédiée à la toute jeune Clara, née il y a quelques semaines et présente dans la salle, ainsi que Desdémone, Églogue, Ballabile (un « dançable », aux sonorités ibériques qui rappellent certains morceaux de Chabrier).

 

Une profonde et touchante Cathédrale blessée concluait le programme, que Mel Bonis, très pieuse, a composée suite au bombardement de la Cathédrale de Reims en 1914 et qui aurait pu s’intituler Requiem pour une Cathédrale défunte tant on y sent la tristesse profonde de la musicienne.

 

Laurent Martin est d’ailleurs un spécialiste de cette compositrice, qu’il a fait revivre pour l’enregistrement et par de nombreux concerts un peu partout.

 

Ce magnifique récital, agrémenté des explications du pianiste, qui a présenté à la fois les compositrices et commenté les pièces jouées, a été une vraie leçon de musique dans tous les sens du terme.

 

Un grand merci à Élodie Favre et à son mari Bernardo Aroztegui, responsables de l’École de musique Atempy d’Yverdon-les-Bains, pour l’organisation de cette soirée dans le cadre étonnant d’anciennes usines aux vastes volumes où, ce soir-là, c’est de la beauté qu’on manufacturait – et avec ces compositrices et le talent de Laurent Martin, il y en avait à revendre.

 

©Sergio Belluz, 2018, le journal vagabond (2018)

 

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19/11/2018
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