sergiobelluz

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Le mieux (ou pas)

J’ai eu l’occasion, en Espagne, de tester un nouveau modèle de Ford, avec plein de gadgets et je me suis fait un remake de ‘Mon Oncle’ de Jacques Tati à moi tout seul.

 

Les clés de voiture ne sont plus des clés mais un bout de plastique plein de boutons qui servent à ouvrir et fermer les portes, celle du coffre compris.

 

Une fois la voiture débloquée, les rétroviseurs se déploient vers l’extérieur.

 

Pour démarrer la voiture, il suffit de presser d’un doigt décidé le bouton d’embrayage.

 

Les phares s’allument alors, et se règlent automatiquement, s’adaptant à la luminosité ambiante.

 

Le GPS se met aussi à fonctionner automatiquement, une carte locale apparaît sur un petit écran entre les deux sièges avant (bonjour le mal de mer pour ceux qui ont une bonne vision latérale).

 

Sur le levier de vitesse, la marche arrière se trouve tout à gauche en haut au lieu de tout à droite en bas, il y a six vitesses au lieu de cinq, mais en réalité la cinquième vitesse a été subdivisée.

 

Dès qu’on est en marche arrière, une petite caméra s’allume et on peut suivre la progression de sa manœuvre sur le petit écran, avec des sortes de rails virtuels.

 

Si le mur ou une voiture se rapproche trop, un signal d’alarme s’enclenche.

 

On peut aussi brancher une voix de synthèse à qui on donne des ordres en espagnol, ce qui cause des situations cocasses : le GPS fonctionne avec l’espagnol castillan alors que j’ai un accent espagnol de Colombie et prononce comme un ‘s’ les phonèmes ‘z’, ‘ce’ ou ‘ci’.

 

Selon les mots utilisés, l’ordinateur ne comprend pas ce que je lui demande, d’où l’obligation pour moi, suivant ce que je dis, de contrefaire un accent espagnol qui ne m’est pas naturel.

 

C’est comme si, en étant suisse, belge, québécois, camerounais, ch’ti ou marseillais, on devait s’efforcer de prononcer les choses à la parisienne pour que l’ordinateur comprenne.

 

On n’arrête pas le progrès, c’est sûr. Le GPS est bien pratique, l’aide au parcage en marche arrière est utile.

 

Quand même, me demandé-je, dubitatif : est-ce qu’on ne perd pas quelque chose à avoir une confiance absolue dans des gadgets, dans des robots ?

 

Que se passe-t-il quand l’ordinateur de bord est en panne ou que les senseurs ne fonctionnent plus ?

 

Est-ce qu’on sait évaluer les distances et la taille de son véhicule au moment du parcage ? Est-ce qu’on est encore capable de se situer dans l’espace et de trouver son chemin tout seul en regardant autour de soi, en lisant une carte ou en suivant la signalétique ?

 

Ces nouvelles voitures, on ne les sent plus. C’est confortable, automatisé, insonorisé, à tel point qu’on ne se rend même pas compte qu’on roule en première à soixante kilomètre-heure.

 

Plus rien ne vibre là-dedans.

 

Moi non plus, d’ailleurs.

 

La voiture est devenue une sorte de smartphone qui roule au doigt et toujours pas à l’œil, vu les prix.

 

©Sergio Belluz, 2019, le journal vagabond (2018).

 

 

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06/03/2019
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