Notes grecques (12) : le bus, transport artistique
Depuis la place Omonia, j’ai repris un métro en direction d’Aghia Marina, cette fois en m’arrêtant à la station Keramicos (‘Céramique’), que je connaissais déjà.
La zone est appelée ‘Gazi’ et, effectivement, ça gaze un max dans ce quartier qui tire son nom de l’ancienne usine à gaz devenue lieu d’exposition d’art contemporain : les bars et les restos se succèdent, la musique lounge prête sa nonchalance sophistiquée à une clientèle lookée, jeune et moins jeune, on y est aussi joyeux et aussi gay qu’à Kolonaki, mais avec moins d’argent.
Une salle de spectacle d’art et d’essai vient donner l’indispensable touche intellectuelle progressiste, en tout cas un alibi culturel très fashion, à une zone de loisir où, s’il fait bon draguer, ça n’empêche nullement d’avoir des velléités artistiques, d’autant que les velléités artistiques sont souvent de très bon plans pour draguer.
Mais si Gazi et ses plaisirs délétères, c’est bien, l’art contemporain, et même hypercontemporain c’est bien aussi, et pas seulement dans l’ancienne usine à gaz, mais sur les murs même d’Athènes.
C’est en prenant, depuis Gazi, et quand il veut bien arriver, le bus numéro 049 en direction du Pirée que, bien assis si l’on est chanceux, on visite gratuitement cette magnifique galerie urbaine visible en plein air sur des kilomètres : toute la beauté du streetart, toute la créativité, toute l’énergie jeune et joyeuse, toute les revendications et les rages d’artistes en révolte contre la crise, la politique ou simplement la vie, s’y exposent sur les vastes surfaces disponibles.
Tous les styles, toutes les techniques se succèdent, et notamment une suite de longues fresques réalistes ou oniriques qui couvrent magnifiquement certaines enceintes de bâtiments officiels tombés en désuétude, ou certains entrepôts abandonnés, montrant une fois encore que cette forme d’art urbaine est peut-être celle qui exprime le mieux les temps que nous vivons et qui semblent absents d’un art contemporain devenu trop officiel et trop cérébral pour être honnête – qui s’encroûte, dans le sens pictural du terme.
©Sergio Belluz, 2017, le journal vagabond (2017).
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