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Quand Arletty se souvient du grand peintre Moïse Kisling (1891-1953)

Arletty, avant de changer l’atmosphère du cinéma français a d’abord écumé les music-halls et a travaillé comme modèle pour de nombreux peintres, dont Moïse Kisling, né à Cracovie et très vite venu à Paris où il côtoyait la bohème de Montparnasse (Picasso et Max Jacob, entre autres). C’est à Moïse Kisling que l’on doit ce magnifique nu d’Arletty, qui fait partie de la collection du Petit Palais à Genève (un musée fermé depuis 13 ans, un vrai désastre!). Une grande partie de ses oeuvres s’y trouvent toujours, ainsi qu’au Musée d’art moderne de Tel Aviv. Dans un de ses livres de mémoire (Les Mots d’Arletty, Paris : Ed. De Fanval, 1988), Arletty se souvient :

 

« C’était un être exceptionnel.  De cœur.  Il travaillait beaucoup, mais chez lui, il y avait du rire.  C’était toujours la fête.  Tous les mercredis, il présidait dans son atelier un déjeuner de femmes : Colette de Jouvenel, Eva Bush, Edith Méra…Il y avait toujours aussi des tas de types qui venaient pour le taper.  Ils ne s’en allaient jamais sans rien avoir.  Chaque fois Kisling sortait du pognon.  Il l’avait en lui cette générosité, cet homme-là.  C’était une vraie solidarité, une institution avant la lettre.

 

Au départ, je le connaissais comme ça, « bonjour-bonsoir ».  Il avait un atelier rue Joseph-Bara [entre Jardin du Luxembourg et boulevard du Montparnasse], où il avait recueilli Modigliani à la fin de sa vie.  Parce qu’il m’avait vue pour ainsi dire nue, sortant d’une baignoire, dans une opérette, il n’avait pas eu à prendre de gants avec moi.  C’était une joie de poser pour lui et on parlait de tout.  Il parlait toujours beaucoup pour animer les gens.  J’ai fait une dizaine de séances avec lui pendant deux mois.  Son Grand Nu se trouve aujourd’hui à Genève.

 

Après, je l’ai revu très souvent.  Je me souviens encore lorsqu’il est sorti du Fouquet’s en 1939, avec son ami Bérard [Christian, surnommé Bébé par Cocteau, peintre qui fit les décors de La Belle et la Bête de Jean Cocteau].  Ils portaient tous les deux des masques à gaz.  Ce sont bien les seuls porteurs de masques que j’aie jamais vus !  Il est vrai que l’étui pouvait servir de boîte à pinceau… »

 

©Sergio Belluz, 2017,  Le journal vagabond (2015)

 

01 1933 Kisling Moïse Nu d'Arletty Petit Palais Genève.jpg

 

02 1910 Kisling Moïse Portrait de Jean Cocteau.jpg

 

03 1916 Kisling Moïse Village méditerranéen.jpg

 

04 1919 Kisling Moïse Nature morte.jpg

 

05 1920 Kisling Moïse Portrait de jeune fille.jpg

 

06 1930 Kisling Moïse Portrait de jeune fille.jpg

 

07 1916 Kisling Moïse Picasso Max Jacob 01.jpg

 

Illustrations :

 

Grand Nu (Arletty), 1933

Portrait de Jean Cocteau, 1910

Nature morte, 1919

Village méditerranéen, 1916

Portrait de jeune fille, 1920

Portrait de jeune fille, 1930

Photo : Jean Moïse Kisling (à gauche), Max Jacob (au centre) et Picasso autour de 1916 (DR)



15/05/2015
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